Chronique Reporterre : La décroissance se lève à l’est

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« Comment critiquer la surconsommation dans des sociétés qui l’attendent toujours ? » Et pourtant, la question trouve un terrain fertile à Budapest, qui accueillera la prochaine Conférence internationale sur la décroissance.

J’ai participé les 24 et 25 janvier à l’organisation d’une rencontre régionale sur la décroissance dans les « pays de l’est » (Nemnövekedés). Une centaine de personnes d’une vingtaine de nationalités ont participé à ces deux journées à Budapest.

Décroissance ou austérité ?

La première journée s’est tenue dans un bâtiment inoccupé le long du Danube avec une vue imprenable sur les collines de Buda. On a commencé par des échanges ouverts en plénière sur la réception de la décroissance dans des sociétés post-socialistes. Il n’est pas toujours facile de critiquer la société de (sur)consommation dans nos sociétés occidentales. Alors comment amener ces réflexions dans des sociétés qui l’attendent toujours ? Le changement de régime devait amener croissance, prospérité et liberté de consommer… Vingt cinq ans plus tard, c’est plutôt désillusions, austérité et précarité. Comment rendre la décroissance désirable dans un tel contexte ? Comment distinguer décroissance choisie et récession subie ? Ainsi, la première des décroissances doit être celle des inégalités. Les débats se sont vite orientés vers des propositions telles que le revenu de base, le revenu maximal, l’économie de la réciprocité.

Pour un basculement des perceptions

Autre sujet intéressant, en particulier vu depuis nos sociétés occidentales, comment donner une image positive à toutes ces productions locales, ces échanges, ces solidarités principalement contraints par la survie ? Comment les mettre en relation avec l’émergence d’alternatives concrètes et montrer qu’elles n’appartiennent pas au passé mais sont signes d’espoirs ?

Des savoir-faire, des liens sont toujours présents dans ces sociétés, ils peuvent servir de bases et de leviers pour des transitions vers plus de soutenabilité et de convivialité.

Enfin, l’après-midi était consacré à des réflexions en petits groupes sur des sujets comme décroissance et éducation ou encore, comment mettre en réseaux les alternatives concrètes ? De même, quelles stratégies et démarches politiques mettre en place dans des contextes de dépolitisation et de désillusions totales ?

Contextes différents mais problèmes similaires

La journée s’est terminée par une rencontre publique, d’abord autour du livre de Nicolas Sersiron, Dette et extractivisme, puis un débat sur les limites physiques et culturelles de la croissance et le que faire ensemble.

Ce type de rencontres, dans d’autres contextes culturels, historiques, sociaux et politiques que celui des sociétés de l’ouest européen montrent à quel point nous avons à apprendre les uns des autres. En effet, nous faisons face à des problématiques similaires dans des contextes différents. Toutefois, des réflexions similaires et des solutions proches émergent.

En Hongrie aussi, la transition est en marche


– Café Szimpla –

La deuxième journée était consacrée à des visites d’alternatives. Le matin, nous avons été accueilli au marché du Szimpla. Le Szimpla est l’un de ces fameux bars de la vie nocturne mais aussi culturelle, militante et alternative de Budapest dans des bâtiments en ruine. Chaque dimanche est organisé un marché en vente directe pour des producteurs locaux. Nous sommes allés à la rencontres de ces producteurs.

L’après-midi, nous étions accueilli au Noha Studio, lieu qui concentre une quinzaine d’ateliers de recyclage et d’auto-réparation, d’artisanat et de rencontres, aussi bien poterie, qu’imprimerie, couture ou encore atelier théâtre pour enfants. Enfin, nous nous sommes installés dans l’atelier vélo et low-tech Cyclonomia pour discuter de futures projets et coopérations autour de la décroissance dans la région.

Décroissance, la tête et les mains

Mais le plus intéressant dans cette aventure, outre la qualité et la richesse des rencontres et des discussions, est la manière dont tout cela a été organisé en partenariat avec plusieurs collectifs et alternatives.

Ainsi, les lieux d’accueil ont été mis à disposition gratuitement contre des services rendus par les organisateurs (exemple du bâtiment inoccupé du premier jour ou une assistance en transport low-tech pour vider des gravas fournie par Cyclonomia et ses remorques et vélo-cargos). De même, la nourriture était fournie par une ferme en biodynamie partenaire de cette rencontre. Ainsi, cette organisation s’est faite avec un budget très faible mais avec beaucoup de créativité, de partage, de convivialité et de solidarité. Mettre en pratique ses idées est l’une des forces de ce types de rencontres comme on l’observe entre autres lors des Alternatibas.

La Grande Transformation

Comme partout ailleurs dans le monde, à Budapest, dans les pays de l’Est, en Europe centrale et dans les Balkans, on rencontre des dynamiques citoyennes merveilleuses et créatives malgré des situations économiques, sociales etpolitiques déprimantes. Budapest est la ville du grand Karl Polanyi, l’auteur encore trop peu connu de La Grande Transformation.

Lors de cette rencontre, qui en appelle d’autres puisque Budapest se porte candidate à l’organisation de la prochaine conférence internationale sur la décroissance, nous avons apporté une nouvelle pierre à ce qui pourrait une nouvelle grande transformation, basée sur la décroissance ou réflexions proches, pour de nouveaux mondes soutenables et souhaitables. De plus, et pendant que les élections se déroulaient en Grèce voyant l’arrivée de Syriza, ces rencontres montrent à quel point les problèmes auxquels nous faisons face sont universels et nous incite à plus de dialogues et d’échanges sur le que faire.

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2 réponses à Chronique Reporterre : La décroissance se lève à l’est

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