Stop à la voiture

escargot-bleu-marron2.jpgL’automobile est un enjeu majeur de la Décroissance tant elle est symbolise la société capitaliste et caractérise le mode de vie occidental qui est en passe de se généraliser à l’échelle mondiale. Moyen de transport individuel, elle symbolise l’individualisme forcené de notre société.

Ces trois textes, de Christophe Ondet, sont largement inspirés du travail de Carfree. Ils sont imparfaits. Toutes les remarques et suggestions sont les bienvenues

  1. Pollutions et nuisances, directes et indirectes et Sortir de l’automobile, c’est revoir les fondements même de notre société
  2. Compléments mis en ligne en août 2009 repris par Carfree ici

Lire les textes en ligne ci-dessous :

INTRODUCTION

L’ouvrage de Yves Cochet l’anti-manuel de l’écologie apporte des propositions visant à sortir du système automobile et faire face au déclin prévisible de la production de pétrole. Celles-ci doivent s’inscrire dans un programme global de transition vers une société de sobriété.

Ces propositions peuvent se décliner selon deux niveaux : l’un immédiat et l’autre sur le moyen terme.

Les mesures rapides à mettre en oeuvre mais à l’acceptabilité nulle proposées par Yves Cochet sont :
– un système de rationnement du carburant par la délivrance de bons de carburant (qui pourrait faire partie du revenu garanti). Ces quotas alloués à chacun diminueraient tous les ans,
– Interdiction des déplacements automobiles non professionnels le dimanche
– Réduction des vitesses maximales autorisées,
– Mesures sur les véhicules (bridage, interdiction des grosses cylindrées, limitation du poids …),

Par ces quelques propositions, Yves Cochet émet la possibilité d’économiser le carburant à hauteur de 50% en quelques années, ce qui suppose une moindre pollution mais bien dans le but de changer le système de transports et non pour pouvoir le continuer.

Les mesures plus acceptables mais plus longues à mettre en oeuvre soulevées par Yves Cochet sont :
– renforcement des transports publics,
– réduction de la semaine de travail à 4 jours (ce qui signifie encore une façon de penser le travail encore traditionnel mais pourrait servir dans le cadre de la transition d’une société de croissance à une société de décroissance)
– conduite économe
– vignette automobile

A nos yeux, ces mesures seraient déjà un progrès notable même si elles apparaissent largement insuffisantes pour réellement sortir de l’automobile. Elles doivent s’inscrire dans une politique globale de « décroissance » et intégreraient plus la transition. Elles présentent l’avantage de pouvoir être mises en œuvre rapidement dans l’optique de mieux supporter la sortie du pétrole et de préparer un avenir sans voiture. Ces propositions doivent être accompagnées par un projet désirable plus sobre mais convivial où le transport devra forcément décroître (notamment celui pour aller consommer du tourisme ou des appareils jetables) et l’automobile disparaître.

STOP A LA VOITURE

L’automobile est un enjeu majeur de la Décroissance tant elle est le symbole de la société capitaliste. Elle caractérise le mode de vie occidental qui est en passe de se généraliser à l’échelle mondiale. Moyen de transport individuel, elle concrétise l’individualisme forcené de notre société.

Si l’automobile n’est qu’un moyen de transport, son hyper-développement a eu des conséquences sur toute la société (de l’habitat à l’aménagement du territoire). Au final, son bilan est dramatique tant au niveau du coût en vies humaines, de sa pollution multiforme ou de déstructuration sociale qu’elle a engendrée et des tensions internationales qu’elle suscite, souvent de façon indirecte.

Or, comme souvent avec le capitalisme, malgré un bilan alarmant, les solutions proposées sont pires que les maux et ne s’attaquent jamais aux questions de fond. Car remettre en cause l’automobile revient à remettre en cause les fondements mêmes de notre mode de vie, qui ont érigé l’idéologie automobile en modèle et comme élément structurant de la société.

Le bilan de l’automobile est clairement négatif. Pourtant, rien ne bouge réellement.

Pollutions et nuisances, directes et indirectes

La « civilisation automobile » est responsable de multiples pollutions qui doivent être envisagées dans leur globalité. En outre, elle repose sur une énergie non renouvelable, le pétrole.

L’automobile est une des principales causes d’émission de gaz à effet de serre. Elle contribue ainsi, largement, au réchauffement climatique et à la dégradation de l’environnement. Le système-automobile est un des principaux facteurs de la pollution atmosphérique avec le benzène, le dioxyde de soufre, les composés organiques volatils non méthaniques, les oxydes d’azote, les composés de plomb, le monoxyde de carbone ou, encore, l’ozone atmosphérique.

En 2006, en France, le secteur des transports routiers a émis près de 130 millions tonnes de CO2 et, est le premier contributeur du pays. La voiture individuelle génère plus de la moitié des émissions dues aux secteur des transports soit 15 % des rejets de CO2.

La Banque Mondiale a estimé qu’environ 1,56 millions d’asiatiques sont victimes chaque année de la pollution atmosphérique. En Europe, des études estiment que près de 400 000 personnes meurent prématurément, chaque année, à cause de la pollution atmosphérique. La concentration actuelle de particules en suspension dans l’air entraîne plus de 100 000 hospitalisations supplémentaires. En France, l’AFSSET (Agence Française de Sécurité Sanitaire et de l’Environnement et du Travail) estime qu’entre 6 450 et 9 500 personnes sont mortes prématurément à cause de la pollution particulaire, soit davantage que les accidentés de la route. Un récent rapport de l’OMS estime le nombre de décès lié à la pollution atmosphérique en France à 40 000 ! Or, les transports routiers sont les principaux responsables de cette pollution.

L’automobile est également responsable de pollutions et de nuisances connexes à son activité. Il ne faut pas sous-estimer l’action néfaste du “système automobile” et tenir compte de l’ensemble de la chaîne de pollutions causée par l’automobile.

Le « système automobile »1 est néfaste dès l’extraction des hydrocarbures et des matières premières nécessaires à la fabrication de l’automobile et de ses dérivés, lors de son utilisation jusqu’à son recyclage et sa mise en décharge, tant ces activités contribuent au pillage de la planète et à sa dégradation, par exemple en épuisant les ressources naturelles au prix de conséquences sanitaires et sociales désastreuses pour les populations locales.

Ainsi, la fabrication d’une automobile, pesant 1 480 kilogrammes, nécessite en moyenne 800 kilogrammes d’acier, 180 kilogrammes de fer, 112 kilogrammes de plastiques, 86 kilogrammes de fluides, 85 kilogrammes d’aluminium et 62 kilogrammes de caoutchouc mais aussi des matériaux liés à l’électronique. L’assemblage consomme 150 000 litres d’eau mais aussi divers détergents, des solvants, des colorants, des enduits et d’autres produits chimiques. Certaines automobiles nécessitent également, pour l’habillage intérieur, du bois et du cuir de qualité.

Les nuisances provoquées par l’utilisation du système routier sont également conséquentes. Elles sont trop souvent ignorées. Indépendamment du trafic routier, la construction, la présence, l’usage et l’entretien des infrastructures routières consomment des ressources naturelles et ont des impacts sur les milieux naturels ou la qualité de l’air.

Le système-automobile, c’est la macadamisation de nos territoires. La France se distingue par le réseau routier le plus dense du monde et le plus long de l’Union Européenne avec plus d’un million de kilomètres, dont près de 11 000 kilomètres d’autoroutes. Un tel réseau est néfaste pour la biodiversité qui souffre d’une fragmentation des espaces naturels puisque les infrastructures de transport forment des discontinuités et des obstacles aux déplacements de nombreuses espèces. Ces longs tapis d’asphalte coupent les territoires et les écosystèmes tout en étant une voie meurtrière pour les animaux.

Les voies de circulation ne sont qu’un élément du système routier puisque l’automobile a besoin de parkings, de station-essence, et obligent la présence de trottoirs ou encore de pistes cyclables. Cet ensemble routier artificialise les paysages urbains mais aussi ruraux en présentant des sols entièrement imperméabilisés, donc détruits et particulièrement néfastes pour l’environnement. En outre, il favorise le ruissellement des eaux sales contenant des hydrocarbures, de l’huile, de la poussière et des particules particulièrement polluantes. Ces mêmes eaux qui se retrouvent retraitées en usine ou dans les nappes phréatiques.

Cette macadamisation du territoire amplifie l’échauffement urbain mais, surtout, intensifie le risque d’inondation et aggrave leur facteur de violence.

Il faut dire que le bitume recouvre une quantité impressionnante de terres, souvent arables. C’est autant d’espaces qui sacrifiés pour l’automobile et gaspillés pour d’autres activités comme l’agriculture et, qui est obligée de s’industrialiser pour faire face à la baisse des terres disponibles. Le monde automobile gagne du terrain comme en atteste la prolifération de l’habitat pavillonnaire, forme d’habitat extrêmement énergivore et dépendant de l’automobile.

Le salage des routes un véritable scandale écologique et, aussi, très couteux mais qui est totalement passé sous silence. Le sel est l’ami de l’automobiliste. Il est légitime car il agit pour sa sécurité. Par contre, il se retrouve également lessivé dans les torrents, les rivières ou les champs environnants. L’infiltration du sel dans les nappes phréatiques posent de sérieux problèmes à leurs durabilité. De la même façon, le sel réduit la perméabilité des sols. Il est aussi un facteur aggravant du dépérissement de la flore. Ainsi, le sel – mais aussi des métaux lourds nécessaires pour l’entretien des routes – se retrouvent de manière brutale et en quantité massive dans l’environnement. Les conséquences sont dramatiques pour les cultures proches, les cours d’eau, les sols et les nappes phréatiques mais aussi pour les espèces animales qui vivent à proximité.

Le sel est donc un élément de stress pour l’écosystème. Il est également un coût financier lourd. Une tonne de sel se négocie autour de 100 €. Or, l’épandage hivernal avoisine les 750 000 tonnes durant l’hiver en France (somme à laquelle il faudrait ajouter le matériel, le carburant et le salaire du personnel). Le sel est donc une hérésie porté par le système-automobile dans le seul but de permettre de continuer à rouler, quelque soit les conditions climatiques. Le lobbying de certaines industries doit également être prégnant car certains pays nordique fonctionnent différemment en pratiquant le principe de la « route blanche » sans calcium et sans potasse mais avec des chaînes et en adaptant sa conduite mais, aussi, en limitant les transports au strict nécessaire.

Surtout, il ne faut pas sous-estimer les autres pollutions du système automobile, qui sont plus rarement évoquées. Il s’agit de :

– La pollution sonore due principalement aux frottements des roues contre le bitume (que les meilleurs moteurs ne sauraient réduire) ;

– La pollution visuelle, mais également lumineuse, puisque l’automobile et ses infrastructures (routes, parkings, stations-essence, péages …) occupent une grande partie de l’espace et s’imposent au regard des citoyens par sa signalisation, des panneaux publicitaires géants, sans parler des rocades ou des périphériques qui enlaidissent nos paysages. Finalement, le système automobile défigure nos paysages urbains, entièrement dédiés à la voiture, et respectent la devise Pompidou : « Il faut adapter la ville à la voiture ». Nous préférons sortir la ville de l’automobile et inventer un mode de vie moins fondé sur les transports, plus convivial, avec l’idée de relocalisation des activités comme élément central d’une nouvelle politique urbaine et rurale.

La pollution des eaux avec le ruissellement des eaux de pluie sur un bitume sale et pollué mais, aussi, la pollution marine lors des trop fréquentes marées noires. La dernière en date sur les côtes américaines est un véritable « Tchernobyl pétrolier ». Pourtant, elle – comme les autres ! – n’aura aucune incidence sur une éventuelle réflexion sur notre mode de vie hyper-polluant et dangereux.

– La pollution sociale démontre l’emprise de l’automobile sur l’ensemble de la société. L’automobile a déstructuré les territoires en anéantissant le petit commerce de proximité au profit de la grande distribution. Elle a favorisé une ségrégation spatiale et sociale mais surtout l’étalement urbain, en sacrifiant ces espaces, et rendant son utilisation obligatoire.

Par ailleurs, le système-automobile a provoqué toute une organisation énergivore (maison pavillonnaire, déplacement …) et, obligé et facilité l’industrialisation de notre mode de vie avec toutes les conséquences funestes pour notre mode de vie (agriculture industrielle, plaisirs standardisés, …).

Nos sociétés ont fonctionné avec une automobile facilement disponible et un faible coût de l’énergie pour se déplacer, créant un mode de vie autour de la voiture avec des lotissements pavillonnaires, des rocades, des autoroutes, des centres commerciaux et des hypermarchés. Or, ce mode de vie ne s’est pas greffé sur le tissu existant mais a bouleversé les habitudes, les paysages et les agglomérations, générant une dépendance généralisée à l’automobile. Or, le modèle pavillonnaire (qui n’est pas lié qu’au pavillon en tant que structure architecturale) est écologiquement insoutenable et financièrement ingérable. Il provoque consommation d’espace inconsidéré au détriment de terres agricoles et naturelles, artificialisant les sols, des déplacements massifs en automobile et une surconsommation de matières premières tout en banalisant les paysages.

En dix ans, c’est l’équivalent d’un département français qui a disparu sous le béton. Cela provoque d’autres problèmes fondamentaux : augmentation des inondations, diminution de la ressource en eau potable, augmentation de l’absorption des rayonnements solaires ou encore la disparition définitive de terres agricoles. Le lotissement péri-urbain est le modèle par excellence de la surexploitation par l’homme de l’environnement.

L’automobile a largement contribué à séparer les individus entre eux, à favoriser les ségrégations sociales et géographiques en séparant les lieux de production des lieux de consommation et en consommant l’espace à outrance.

Enfin, il ne faut pas omettre de mentionner le danger que représente l’automobile pour nos contemporains directement ou indirectement. Elle participe au développement de maladies comme les cancers pulmonaires, l’asthme, les allergies, les bronchites chroniques ou encore les leucémies.

Ainsi, une étude britannique a stigmatisé les lieux pollué par l’automobile (notamment les véhicules diesels) comme les gares routières, les hôpitaux, les installations de stockage de produits pétroliers, les grands parkings, les garages ou les stations essences puisque les enfants, les femmes enceintes avaient un risque accru de développer un cancer ou de leucémie infantile en raison de la pollution de l’air par les gaz d’échappement.

N’ignorons pas les pathologies liées à la sédentarité ou au manque d’exercice (surcharge pondérale, diabète, problème cardio-vasulaire …), le stress généralisé et les traumatismes subis par les accidentés de la route que ce soit les victimes ou les témoins. La route fait plus de 1,27 millions de victimes et entre 20 et 50 millions de blessés par an. Selon la campagne internationale « Make Roads Safe », toutes les 3 minutes un enfant est tué sur la route. C’est la première cause de mortalité chez les jeunes en Europe et aux Etats-Unis.

L’automobile est une véritable arme manipulée par des inconscients ivre de vitesse. L’incivisme et l’irresponsabilité des conducteurs, mais aussi le sentiment de protection dans cette carcasse d’acier, des conducteurs est ainsi à l’origine de nombreux morts.

L’automobile n’épargne personne et contribue à une agressivité toujours plus grande. Même les animaux souffrent de la présence des routes. De nombreux animaux périssent en grand nombre sur l’asphalte sans que cela ne nous émeuvent. Ils n’avaient qu’à utiliser les voies de passage prévues à cet effet.

Comme si les effets néfastes de l’automobile n’étaient pas suffisants à sa remise en question, son utilité est de moins en moins justifiée, notamment pour des raisons économiques. Sujet important car le citoyen réfléchit plus comme un consommateur que comme un citoyen responsable.

Des travaux d’Ivan Illich dans les années soixante-dix, réactualisé par Denis Cheynet démontrent que dans une agglomération pour des trajets de moins de cinq kilomètres, la « vitesse généralisée » moyenne – c’est-à-dire qui prend en compte le temps passé dans sa voiture mais également le temps qu’il a fallu pour la payer – entre une automobile et une bicyclette est à l’avantage de la bicyclette : moyen de transport propre et nécessitant peu d’infrastructures. A tel point que l’on se demande si l’on conduit pour aller travailler ou si l’on travaille pour conduire ?

Ainsi, l’automobiliste monopolise la place d’au-moins 4 vélos, pour une vitesse guère plus rapide. En Ile-de-France, la vitesse de déplacement moyen a été calculée à 17 km/h contre 14 km/h pour le vélo et 8 km/h pour le taxi parisien.

Or, tout se passe comme si notre société était atteinte d’un mal parfaitement identifié mais préférerait continuer comme si de rien n’était ; les conséquences de l’acceptation du mal étant trop douloureuse car elle remettrait en cause de manière trop profonde notre mode de vie.

Nos élites politiques essaient de nous convaincre que des mesurettes seraient suffisantes alors même qu’elles aggraveraient une situation déjà dramatique. C’est le cas de la voiture électrique, de sa sœur la voiture hybride ou des agrocarburants. Ce sont des mirages technologiques et des arnaques écologiques.

Les voitures dites écologiques se révèlent être plus polluantes à fabriquer que les automobiles traditionnelles. En outre, les véhicules électriques contribuent à toutes les tares de l’industrie nucléaire. Les agrocarburants nécessitent de grandes quantités de terres, de produits chimiques et d’eau aggravant la réduction de la biodiversité et, plus globalement, l’état de la planète.

Ces fausses solutions ne visent seulement qu’à faire face à la crise à venir des hydrocarbures et à réduire les émissions de CO2 lors du déplacement mais elles ignorent les autres nuisances et pollutions causées par l’automobile.

Le « système-automobile » doit être condamné et disparaître et non pas seulement être corrigé. Ce système est malsain et dangereux. C’est pour cela que sa suppression est inévitable.

Par exemple, pour résoudre les problèmes de transport, l’option choisie est de construire de nouvelles routes et d’agrandir le réseau existant – en ignorant, par ailleurs, les méfaits que cela produit – pour accueillir plus d’automobiles. Toutefois, si l’accroissement de l’offre d’espace automobile améliore provisoirement la circulation automobile, elle fait rapidement augmenter le trafic automobile puis finit par créer de nouvelles congestions qui nécessiteront la mise en place de nouvelles infrastructures et provoqueront des nuisances supplémentaires. En outre, même à titre individuel, nos comportements renforcent une société fondée sur l’automobile. En effet, pour fuir des villes polluées, dévégétalisées, dangereuses, bruyantes, stressantes, les ménages s’installent en zones péri-urbaines ou semi-rurales (la campagne : oui, mais pas trop) et finissent par provoquer encore plus de nuisances et par renforcer l’automobile comme élément indispensable de notre civilisation.

En fait, le véritable débat n’est pas de savoir comment améliorer le trafic automobile tout en préservant l’environnement et en provoquant moins de nuisances, car l’un est inséparable de l’autre ; il s’agit de fonder une nouvelle politique des transports sur d’autres bases que la route et l’automobile. On voit bien que les chevaliers de la technique nous promettent tout un arsenal de solutions qui nous permettrons de résoudre scientifiquement chacun de ses maux (en tout cas les plus visibles et les plus médiatiques) et, surtout, sans remettre en cause le mode de vie sur lequel l’automobile est fondée.

Les questions qu’il faut se poser, c’est si nous sommes prêts à accepter de consacrer d’immenses ressources pour la seule automobile alors qu’elles manquent déjà à des milliards de personnes et que la route est créatrice de nuisances dont certaines sont irréversibles, ou encore si un embouteillage est absurde qu’il soit constitué de voitures essences ou électriques sur deux ou quatre voies ?

La question du sens est cruciale car même avec un pétrole abondant, une pollution de l’environnement contenu, le « système automobile » reste malsain car il implique une construction de la société autour de l’automobile et induit un mode de vie destructeur au service du capitalisme. Un usage pondéré et sage de l’automobile ne poserait pas autant de problèmes mais cela est rendu impossible par l’implication de l’automobile dans le système capitaliste. Elle en est une victime mais en est devenue un levier indispensable pour l’organiser et le faire prospérer.

D’ailleurs, la voiture hante nos rêve et monopolise nos désirs, notamment chez l’homme. Dès son plus jeune age, le jeune garçon est initié par ses jouets, les médias et, maintenant, les jeux vidéos. L’automobile est vendu comme un instrument de liberté et de puissance. Pour être un homme, ne faut-il pas avoir le sésame autorisant à conduire un véhicule. Puis, travailler (ou faire pression sur sa famille) pour acquérir le précieux objet.

Ce sont bien la massification de l’automobile et l’organisation de la société autour d’elle qui posent problème. Il est donc nécessaire de remettre en question notre mode de vie, réformer profondément notre mode de pensée et notre sacro-saint confort moderne.

Trouver des solutions aux maux causés par l’automobile ne peut se traduire que par une révolution dans notre façon d’appréhender le transport et notre organisation spatiale. Le flux des transports automobiles doit donc obligatoirement décroître, notre territoire doit être réaménagé et les industries être reconverties naturellement vers des activités qui seront mises en avant par le repli de l’automobile et de ses infrastructures.

Il faut bien voir que remettre en cause l’automobile, c’est remettre en cause la société capitaliste et revoir les fondements mêmes de notre société, d’une manière plus conviviale, plus respectueuse de l’environnement mais aussi d’autrui c’est-à-dire une société fondée sur la simplicité volontaire dans le cadre d’une politique de décroissance s’appuyant sur des expérimentations novatrices déjà existantes, et à inventer, qui peuvent commencer à nous guider.

SORTIR DE LA VOITURE

Si sortir de l’automobile est une obligation, c’est surtout réalisable car la position dominante de l’automobile est imposée par des choix politiques, conditionnés par la pression de l’économie capitaliste. C’est donc aux citoyens de prouver leur volonté de vivre dans une société sans voiture, ce qui nécessite des changements structurels importants, mais nécessaires, pour contribuer à imposer la Décroissance dans notre vie quotidienne. Il s’agit de rendre l’espace urbain, volé par l’automobile, aux piétons mais, aussi, de ne pas urbaniser les zones rurales de la même façon qu’actuellement.

Sortir de l’automobile, c’est revoir les fondements mêmes de notre société

Détruire les mythes

La position dominante de l’automobile s’explique par la persistance de mythes, fabriqués par ceux qui ont un intérêt au maintien de l’automobile et, plus globalement, au maintien du système capitaliste et productiviste. A l’heure actuelle, deux mythes bloquent tout débat sur une éventuelle sortie de l’automobile.

Tout d’abord, nos industriels préférés travaillent pour la planète en innovant toujours plus, pour enfin concevoir une voiture propre. Or, il est acquis qu’une telle voiture ne peut pas exister, tant l’automobile est source de pollutions et de nuisances lors de sa fabrication ou de son utilisation, de façon directe ou indirecte. L’automobile propre est donc un leurre de plus pour essayer de maintenir un système, qui sur le plan humain et environnemental, est à l’agonie mais subsiste artificiellement par ignorance, mauvaises habitudes et facilité.

Ensuite, surtout dans en France, l’automobile, c’est de l’emploi. Elle permet à des milliers de personnes de travailler. Vouloir sortir de l’automobile, ce serait donc mettre au chômage ces milliers de travailleurs. Or, ce n’est pas le cas. Quitter le tout-voiture implique un soutien aux transports en commun et la création d’emplois que le système automobile avait contribué à supprimer (commerce de proximité, agriculture) avec le développement des zones commerciales. Un rapport de l’Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité en 1997 affirmait que le transport collectif générait deux fois plus d’emplois que l’industrie automobile tout en coûtant quatre fois moins chère à la collectivité. L’emploi est donc une fausse excuse. Au contraire, sortir de ce système résoudrait bien des problèmes au niveau de l’activité humaine. Pourquoi aider une industrie multi-polluante, bras droit du capitalisme, qui finalement détruit plus d’emplois qu’elle n’en crée et qui pérennise un système déjà à l’agonie ?

Sortir de l’emprise de l’automobile permettrait, au contraire, de sortir de l’idéologie du travail qui fonde et aliène nos vies et les décisions politiques.

Une société sans voiture, une société plus humaine

Il faut faire en sorte que l’automobile ne soit plus le mode de transport privilégié. Nous devons à la fois limiter son utilisation, privilégier les modes de transports doux, redessiner et réaménager l’espace urbain et rural et, surtout, réduire nos déplacements.

Nous devons lancer une grande réflexion sur les raisons des transports et envisager des pistes pour les réduire au maximum. Il s’agit de redonner du sens au transport et de privilégier un autre transport fondé sur des valeurs différentes que celles véhiculées par le système croissanciste, productiviste et consumériste.

Limiter l’espace offert à l’automobile et son utilisation

Plus de 80 % de l’espace public est dédié à l’automobile. Une nouvelle politique de transport doit être mise en œuvre dans le cadre d’un réaménagement concerté, si ce n’est planifié, du territoire afin de ne plus être dépendant de la voiture.

L’usage de l’automobile doit être limité à des cas bien précis. Si l’automobile n’est pas vouée à disparaître, elle servira toujours pour les secours, les personnes à mobilité réduiteou encore le déplacement de charges lourdes ou encombrantes (exemple d’un déménagement). Elle deviendra un mode de transport subsidiaire. Ce n’est pas l’outil qui est en cause, mais sa prolifération sans concertation qui a conduit notre modèle d’aménagement du territoire dans une impasse.

Des zones piétonnes doivent donc être privilégiées et la vitesse des automobiles limitée à 30 km/heure afin de ne plus en faire des véhicules dangereux et prioritaires. Il faut également faire payer l’usage de l’automobile avec des péages urbains (dont les recettes seront redistribuées en direction des transports collectifs) mais aussi supprimer tous les avantages fiscaux liées à l’automobile (au profit des modes de transports moins polluants).

Un des enjeux prioritaires sera de façonner un projet désirable pour se déplacer, incitant à renoncer à posséder une automobile. Cette dernière est trop souvent utilisée par facilité et par habitude, car faire sans, c’est se compliquer la vie.

L’usage de la bicyclette doit être privilégié. Ce mode de déplacement ne présente que des avantages (fabrication aisée tout comme les réparations, pollution faible, pas de bruit, rapidité, répercussion sur la santé …). Des aménagements seront nécessaires notamment en multipliant les parcs de stationnements, les pistes cyclables (à la place des routes automobiles) mais aussi en adaptant les transports collectifs, notamment leur accessibilité au vélo afin d’en développer l’usage. Des bicyclettes pourraient être mises en libre service (comme à Paris et Lyon) pour banaliser sa présence et faciliter son usage. Des incitations fiscales pourraient également voir le jour pour développer son utilisation. Des entreprises utilisant le vélo pourrait être encouragées, comme par exemple les entreprises de livraisons via le vélo ou un triporteur.

Les transports en commun sont l’autre facette pour sortir de l’automobile. Une grande politique ferroviaire (par exemple à partir des axes routiers existants) doit voir le jour afin de faire du train le mode de déplacement privilégié, qui sera complété par le bus, le tram-train, le tramway et, le cas échéant, des taxis. Pour mener à bien une telle ambition, les sommes actuellement investies dans l’automobile devront financer les transports collectifs. Si trop souvent, ceux-ci sont critiqués et défaillants, c’est surtout parce qu’ils ne bénéficient pas des mêmes investissements que l’automobile. Inversons le rapport des financements, et les transports collectifs seront à la hauteur, car ils doivent inspirer confiance tant en terme de fréquence que d’objectif de desserte, que ce soit en zone urbaine ou rurale.

Le réseau de transport collectif doit être réorganisé. Il peut s’articuler autour d’un réseau principal et d’un réseau complémentaire. Le réseau principal concernerait le milieu urbain et les zones péri-urbaines avec le tramway, le tram-train, le bus, le métro et le train, ainsi que la circulation entre les agglomérations avec le train et quelques lignes de bus.

Le réseau complémentaire vise à compléter le réseau principal en offrant une solution de mobilité aux personnes éloignées du réseau principal. Il peut, dans un premier temps, être assimilé à un service social. L’objectif est de ne laisser personne sans solution de mobilité dans l’espace ou dans le temps (notamment le dimanche ou durant les vacances scolaires). Il doit être coordonné au réseau principal. Enfin, si l’automobile peut être tolérée sur le réseau secondaire, elle doit être abandonnée dès l’accès vers le réseau principal.

En outre, la gratuité des transports publics de proximité doit être généralisée. Il est avéré que ce qui est payé par l’usager rembourse difficilement la fabrication des titres de transports, l’achat et l’entretien des machines à composter ou encore les contrôles.

Finalement, l’usager paye pour être contrôlé. Des expériences de gratuité en France ont été mises en place notamment à Châteauroux, Compiègne ou Vitré avec succès.

La gratuité des transports publics de proximité n’est donc pas une utopie économiquement non viable, mais bien un choix politique que nous devons porter dans le débat démocratique.

Sortir de l’automobile le plus sereinement possible

Toutefois, pour sortir de l’automobile le plus sereinement possible, il va falloir prendre en compte le fait que notre société devra s’orienter vers une décroissance des flux de transport. Sans automobile, et avec un usage de l’avion limité, il ne sera pas possible de se déplacer autant qu’aujourd’hui. Loin d’être une contrainte, c’est une chance à saisir pour l’aménagement du territoire car sortir du système automobile, c’est participer à la relocalisation de l’économie et des échanges (en rapprochant les lieux de productions, d’achats et d’usages), c’est aussi limiter la taille des entreprises, et démanteler les grandes surfaces.

Sortir de l’automobile, ce serait donc développer le petit commerce et les services de proximité, l’artisanat mais aussi augmenter la part de la population active dans une agriculture paysanne de proximité respectueuse de la santé et de l’environnement.

C’est donc un enjeu majeur dans le cadre d’une politique axée sur la Décroissance car la relocalisation de l’économie consiste à réduire la taille des entreprises au profit de structures à tailles humaines ancrées dans le territoire et, c’est se tourner vers une industrie locale respectueuse de l’environnement et de la condition humaine.

Sortir du « système automobile », c’est également transformer les banlieues en ville en privilégiant l’échelle humaine pour penser la ville et son extension en proposant un nouvel urbanisme axé sur les commerces et des services de proximité et revisitant les habitats. Il s’agit d’ériger des quartiers de courtes distances c’est-à-dire où les besoins vitaux peuvent être satisfaits en utilisant ses jambes ou la bicyclette et, où l’automobile serait interdite. Les zones rurales, quant à elles, doivent être revitalisées pour accueillir les populations de villes trop grandes en les rendant désirables en terme d’accès aux services publics et en facilitant la satisfaction des besoins de base.

L’étalement urbain et la péri-urbanisation, grandissantes depuis les années quatre vingt- dix, n’ont pu se faire qu’à cause de l’automobile et en rendant ces zones encore plus dépendante d’elle. Entre 1990 et 1999, c’est la superficie de deux départements français qui a été urbanisée. Une telle évolution n’est plus acceptable. Il faut donc la stopper nette – imaginer d’autres évolutions – quand c’est possible. Chaque projet urbain doit être accompagné d’un projet d’amélioration du réseau de transport écartant la solution automobile. Les sommes investies dans le système automobile (industrie, infrastructure …) doivent donc profiter au réaménagement du territoire, ce qui sous-entend la promotion de la bicyclette et des transports en commun mais aussi un réaménagement urbain et rural, par exemple en s’appuyant sur une nouvelle organisation des Services Publics.

C’est l’ensemble des bâtis existants qui devront être revisités et inclut dans ce nouvel urbanisme (qui touche autant les villes que les campagnes) afin de les densifier : lotissements pavillonnaires, zones commerciales (dont certaines pourront être rendus à la nature, via des jardins potagers ou des parcs …)2.

C’est une chance exceptionnelle tant l’espace occupé par l’automobile est important et ouvre des perspectives pour aménager le territoire, en s’axant sur des principes nouveaux fondés sur un autre mode déplacement et, finalement, une autre façon de vivre. Sortir de l’automobile est une nécessité mais, surtout, une opportunité.

Réfléchir sur le transport pour sortir du capitalisme

Si des solutions existent pour sortir de l’automobile, celles-ci nécessitent, surtout, de sortir de l’idéologie de l’automobile et du transport facile. La question des transports doit être abordé sous un angle différent à la fois de façon individuelle que collective : pourquoi se déplacer ? Que transporter ? A quel coût financier pour la collectivité et pour l’environnement ?

Plus globalement, ces questions reviennent à s’interroger sur la direction à prendre au niveau individuel et politique et, quel sens donner à nos vies. Peut-on prôner la relocalisation des activités, la convivialité ou le respect de l’environnement mais continuer à promouvoir des transports toujours plus rapides ou plus long qui nous servent à transporter des marchandises pour être consommées facilement ou pour aller au travail ?

L’automobile et ses excès sont au service de la société consumériste, productiviste et individualiste. En sortir permettrait d’enclencher une dynamique vertueuse. Sans être la solution miracle, la sortie de l’automobile contribuerait à sortir du capitalisme et à enclencher une autre société fondée sur d’autres valeurs que nous devons construire ensemble.

S’interroger sur la relocalisation des activités, sur la valeur travail au sein de notre société mais aussi sur l’habitat, nos besoins (des plus vitaux jusqu’aux loisirs) sont autant de pistes pour sortir de l’automobile car, pour ce faire, il faudra obligatoirement revoir notre société, son fonctionnement, ses buts et ses moyens.

La société de l’automobile a échoué à constituer un système de transport viable et durable et sa remise en cause est plus que nécessaire. La ville sans voiture est une ardente nécessité pour le bien de tous et celui de la planète. L’automobile apparaît comme le mode de déplacement privilégié d’une société déraisonnable et irrationnelle. L’usage maladif de l’automobile est donc à bannir pour une société plus viable, des transports plus conviviaux et pour amorcer un projet de société qui s’inscrit dans une logique de Décroissance.

L’automobile est devenu un outil au service du capitalisme, presqu’un rempart. Son usage en a fait l’ennemi d’une société prônant la convivialité, la relocalisation et l’anti-productivisme. Sortir de l’automobile implique une décolonisation de notre imaginaire mais surtout bâtir collectivement une société où le transport individuel ne sera plus le critère d’organisation de l’espace. Des solutions existent, certaines sont expérimentées, d’autres sont à inventer mais, surtout, elles sont nécessaires.

« On met des étiquettes dissuasives sur les paquets de cigarettes, bien. Qu’attend-on pour en mettre aussi sur les pompes à gazole dans les stations d’essence ? »

« On ne change pas une stratégie qui perd, on cherche juste à reculer le désastre annoncé. Sombre présage … »

« La voiture n’est pas le mode de transport universel ; seule la marche l’est réellement »

« L’automobile était un rêve, elle est devenue un cauchemar »

« L’enjeu est de passer d’un urbanisme de l’automobile à un urbanisme adapté à l’échelle du piéton et du vélo et, d’un ruralisme autonome vis-à-vis de la voiture »

1Le « système automobile » doit être compris comme l’ensemble des activités liées directement ou indirectement à l’activité automobile, comprenant notamment les activités d’extraction des matières premières pour la fabrication de l’automobile ou leur recyclage, et celles pour permettre son activité (routes, parking) ou encore les activités intrinsèquement liées à elle (développement des zones commerciales). Ces activités génèrent divers exploitations, nuisances et ont des répercussions sur l’espace mais également sociales.

2Article sur l’avenir des lotissements péri-urbains : ici

 

Christophe Ondet

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