Sortir de la publicité

STOP A LA PUBLICITE

 (Pour télécharger : voir ici)

« La pub, sauf exception, est la face noire de la création, elle ment, bluffe, flatte les instincts les plus bas, surfe sur le sexe, crée l’insatisfaction et le ressentiment. »1

La publicité est partout, à tel point qu’elle est devenue invisible pour l’homo economicus2 que nous sommes. Nous croyons la dominer alors que nous la subissons. Mais c’est bien elle qui joue avec nous, qui s’impose pour modeler nos comportements et notre environnement.

La publicité peut se définir comme l’ensemble des techniques employées pour attirer l’attention du consommateur sur un produit. Avec le temps, le phénomène publicitaire a pris de l’ampleur puisque la publicité s’est imposée autant pour informer que pour persuader les utilisateurs éventuels des avantages d’un service ou d’un produit.

En effet, le temps a passé depuis mais les livres de Vance Packard3, George Orwell4 et d’Aldous Huxley5 n’ont rien perdu de leur actualité, notamment en terme de manipulation mentale. Le monde dans lequel nous vivons correspond à peu de choses près à ce qui a été imaginé à l’époque comme un cauchemar et la publicité y joue un rôle majeur.

Nous ne mettons pas en cause les activités publicitaires en tant que mise à disposition du public d’informations commerciales, mais nous refusons la violence et la manipulation dont usent les procédés publicitaires, auquel nul ne peut échapper et qui diffusent en permanence l’idéologie dominante.

La publicité est une conception de la société capitaliste, un rouage de la mégamachine6 afin de fabriquer une illusion de bonheur. La publicité est bien au service de la société de Croissance dans le but d’imposer sournoisement un « totalitarisme tranquille » dont la violence bien réelle est sous-jacente et la manipulation dissimulée derrière des artifices et excusée par de soi-disant grands principes universels. L’invasion qualitative et quantitative de la publicité s’allie à une pénétration idéologique imprégnée des valeurs du capitalisme et de la société de croissance.

S’attaquer au vecteur de l’idéologie marchande permet d’ouvrir une brèche dans cette idéologie. Il est donc normal que certains s’attaquent – pendant que d’autres sont engagés dans le soin des symptômes ou dans la création d’alternatives – aux causes en la sabotant ou en dévoilant et expliquant ses ramifications dans l’organisation sociale.

Nous proposons, ici, de mettre en avant les manipulations du système publicitaire et des pistes pour le combattre et en sortir. Car pour sortir du capitalisme et de la folie de la Croissance, sortir de la publicité est un préalable obligatoire.

Nous nous attacherons, d’abord, à pulvériser le mythe de la publicité qui serait une nécessité dans une société démocratique. Ce préalable a été façonné par les tenants de l’oligarchie, les mêmes qui nous font croire que notre organisation sociale est une vraie démocratie. La publicité, ce n’est pas la liberté, c’est plus la liberté d’imposer.

Ensuite, nous reviendrons sur les dérives de la publicité : outil pour le capitalisme, pour s’imposer et renouveler sans cesse nos modes de vie dans un cadre qu’il définit et, pour faire marcher la sacro-sainte économie. Nous verrons que la publicité est intrusive et contribue à un totalitarisme tranquille confirmé par la pénétration idéologique de ses messages, avec la volonté de nous faire dépenser à la fois pour alimenter le système croissanciste et pour nous amener à dé-penser et à ne pas vouloir changer la société.

Enfin, nous essaierons d’apporter des propositions afin de sortir de la publicité et d’amorcer un changement de société débarrassée des stéréotypes qu’elle nous impose.

Si la publicité est souvent associée à la démocratie et à la liberté dont elle serait un corollaire indispensable, elle est surtout créatrice d’illusions dans le but de faire fonctionner la société marchande et, plus globalement, l’économie, en se servant de la manipulation comme moyen. La publicité est bien une des escroqueries du XXème et du XXIème siècle, et un des fondements d’une société qui fait courir l’humanité à sa perte.

La publicité n’existe que parce qu’elle impacte notre psychisme. Elle est le « bélier » qui force la porte de notre conscience pour l’asservir.

LA LIBERTE MANIPULEE

La publicité est souvent présentée comme un symbole des démocraties car synonyme de droit à l’information des consommateurs, de libre expression et plus simplement de liberté. Messieurs les censeurs, ne touchez pas à la publicité, vous toucheriez à la démocratie. L’argument est facile et a l’avantage d’empêcher de toucher à un fondement du capitalisme et, quand on veut en sortir, cela complique forcément la tâche.

Pourtant, en s’interrogeant sur ce lien présenté comme indéfectible entre la publicité et la démocratie, nous nous rendons compte qu’il n’en est rien. L’alliance « démocratie-publicité » est seulement un leurre pour éviter toute critique, car remettre en cause la publicité serait remettre en cause la démocratie, la liberté d’expression voire de l’art car la publicité est souvent présentée comme une forme d’art (!). Par ailleurs, mais là n’est pas le sujet, présenter notre société comme démocratique est déjà un mensonge : le terme oligarchie7 paraît plus approprié et, dans ce cas, la publicité est bien un corollaire de ce système d’organisation sociale. C’est un détournement de la nécessité d’imposer.

La publicité, c’est la liberté … d’imposer

Cet adage est connu : la publicité, c’est la liberté. C’est la liberté de consommer, de choisir, d’être informé. Peu importe que les dés soient pipés et que les ficelles soient énormes, personne ne les voit tant elles font partie de notre quotidien. Nous sommes devenus des robots regardant les publicités comme des modèles à atteindre, des tranches de vie informatives, drôles, effrayantes, distrayantes mais qui, en fait, ne sont pas neutres : elles nous conditionnent et standardisent notre existence.

La question est donc de savoir si la publicité est bien synonyme de liberté, comme tendent à nous le faire croire les publicitaires, ou plutôt un conditionnement pour nous fidéliser au capitalisme.

D’abord, la publicité n’est pas un échange ou une mise en commun d’informations puisque l’envoi du message se fait à sens unique. La publicité « communique » de manière unilatérale. Nous ne pouvons pas lui répondre, seulement la recevoir pour ne pas dire la subir. La liberté de l’émetteur est privilégiée par rapport à celle du receveur. Le premier dispose de la liberté de faire, tandis que les destinataires de celle de la subir ou alors de fermer les yeux et les oreilles qu’ils soient dans la rue, en écoutant la radio ou en surfant sur le net. Or, la liberté de recevoir devrait aller de pair avec la liberté de ne pas recevoir. Combien de fois, les boîtes aux lettres sont bourrées de publicités alors même qu’un bel autocollant décline cette invitation. En fait, la liberté d’expression ne saurait en aucun cas se confondre avec la liberté d’agression. Bien au contraire, elle devrait respecter la liberté de choix des interlocuteurs sans s’imposer contre leur gré et contre leur consentement.

La publicité s’impose et ne supporte pas la contestation. Les publicitaires ont inventé le terme de «publiphobes » pour qualifier celles et ceux qui lui résistent. La publicité décrit ses dissidents comme des « pisse-froid », des « coincés » ou encore des censeurs. La publicité « psychiatrise » ses opposants, comme le faisaient les régimes totalitaires, justement car la publicité a pour but d’annihiler tout esprit de révolte.

En effet, se révolter c’est refuser un état présent et, c’est aussi se poser la question d’une meilleure société, c’est vouloir trouver des solutions en sortant du cadre, en explorant d’autres modes de vies. La publicité, avec son discours uniformisateur et massificateur, stigmatise les marginaux et nous pousse à ne nous révolter qu’en choisissant une marque « alternative » plutôt qu’une autre. Elle ne peut que vouloir renforcer le système qui le nourrit, alors pourquoi vouloir le renverser ? Ainsi, la publicité ne souhaite pas pousser à la réflexion mais bien à la tarir.

Pour mieux nous aliéner et nous rendre esclaves de la consommation, la publicité ne cesse de nous parler de liberté. Mais la seule liberté que nous laisse la publicité, c’est celle de consommer, c’est celle de choisir entre Coca et Pepsi–Cola. La publicité, c’est Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley combiné à 1984 de George Orwell. La publicité cherche à faire acheter et, chacun se croit libre parce qu’il est au courant de ce postulat. Je choisis tel produit, tel marque, je préfère faire appel à tel prestataire et je suis libre de faire cela. Mais cette apparente liberté du client couvre néanmoins un premier niveau de conditionnement, celui qui me dit qu’il faut sans cesse acheter. Derrière la liberté de choix se cache l’obligation d’acheter. Ce rappel, comme nous allons le voir ci-dessous, est de plus en plus présent puisque notre vie est jalonnée de besoins.

Nous retrouvons, ici, des liens forts entre propagande et publicité, entre abrutissement des masses et formation d’une armée de consommateurs dont le but dans les deux cas est de ne pas condamner le système dans lequel ils vivent, car rien ne peut s’opposer à la marche de l’histoire. La publicité comme la propagande utilise les mêmes armes pour éviter la réflexion et la contestation.

La publicité, propagande de l’oligarchie

La publicité se conjugue avec matraquage (et c’est un point commun avec les techniques des régimes dictatoriaux). Elle est totalitaire car elle cherche à envahir la totalité de l’espace avec des panneaux (souvent surdimensionnés) qui accaparent notre environnement, des affiches recouvrant tout un immeuble, dix publicités identiques à la suite dans le métro, des « tunnels » publicitaires de 20 minutes à la télévision ou à la radio etc. Il devient difficile de poser son regard sur un paysage libre de publicité. Elle s’immisce dans les films à la télévision ou au cinéma en les coupant ou en les pénétrant, plus discrètement, puisque les entreprises payent les cinéastes pour y montrer leurs produits.

La publicité envahit le temps également. Elle rythme toute la vie collective sur le mode de la consommation avec les commémorations, les fêtes, les événements réels ou factices. Tout est bon pour faire consommer. De la même façon, la publicité se saisit de tous les âges de l’existence individuelle pour en faire des moments de consommation, avec les enfants avides de jouets, les adolescents couverts de marques, les hommes motorisant leur vie et devenant fan de gadgets en tout genre, les femmes avec la mode et la beauté mais aussi la ménagère, la mère de famille ou encore les personnes âgées invitées à préparer leur avenir. Si notre espace est accaparé par la publicité, notre temporalité est rythmé par les slogans publicitaires, signe que notre civilisation glisse doucement mais sûrement vers un totalitarisme publicitaire puisqu’il est difficile d’y échapper (frontalement ou indirectement comme nous le verrons plus tard).

En fait, sans se soucier une seule seconde de notre bien-être et de notre cadre de vie, les publicitaires appliquent à merveille le mot d’ordre d’Adolf Hitler: « Toute propagande efficace doit se borner au strict indispensable, puis s’exprimer en quelques formules stéréotypées. Seule la répétition constante réussira finalement à graver une idée dans la mémoire d’une foule« .

La publicité a été une arme des dictatures. Hitler est le premier, et malheureusement pas le dernier, à avoir compris que la publicité était un formidable outil de propagande, ce qui devrait suffire à la rendre extrêmement suspecte dans toute démocratie digne de ce nom (voir à ce sujet l’excellent ouvrage: « Le viol des foules par la propagande politique« , de Tchakhotine).

Car devant l’efficacité de la publicité, les hommes politiques sont tentés de l’utiliser. Ils oublient, agissant de la sorte, qu’ils se rabaissent au rang de simples produits et de leurs valeurs en marchandises. En réduisant toute pensée à un simple slogan, c’est toute la vie politique qu’elle met en danger. Il ne s’agit plus de convaincre par la justesse de ses arguments et de son programme, mais de se faire voir le plus possible. L’efficacité du slogan prédomine sur les idées et la qualité des propositions.

La grande majorité des partis politiques font d’ailleurs désormais appel aux publicitaires. Résultat : le domaine politique relève bien souvent désormais de l’idéologie publicitaire avec l’idée de faire des idées un slogan. L’illustre Jacques Séguéla en est un parfait exemple puisqu’il a mené de multiples campagnes publicitaires et politiques avec les mêmes méthodes, que ces régimes soient oligarchiques ou dictatoriaux.

Nous le comprenons, dans ce cas, gare aux politiciens qui n’usent pas de ces pratiques à la pointe de la communication. Il faut à la fois faire un trait sur ses convictions (faire des idées un slogan) et être un allié du système oligarchique. Il en est de même pour les entreprises. La publicité est un secteur essentiel pour leur survie, autant pour promouvoir le produit ou services qu’elles vendent que pour promouvoir le mode de vie que ces derniers sous-entendent. Or, l’égal accès des entreprises à la publicité n’est pas une règle.

La publicité est inégalitaire

Il ne faut pas se méprendre. Faire une publicité n’est pas à la portée de tous. Seuls ceux qui ont de l’argent peuvent en bénéficier. Une grosse entreprise sera donc systématiquement favorisée par rapport à une plus petite ou à une association. Ainsi, une entreprise disposant de ressources financières importantes peut se doter d’une image positive et vendeuse même si elle a de mauvais produits à vendre et un comportement irresponsable. Au contraire, un petit producteur aux procédés éthiques se retrouve noyé, faute de moyens. Ce sont bien les grosses entreprises qui dépensent des sommes gigantesques pour la publicité, se rachetant une conduite ou se façonnant une image conforme aux attentes du consommateur. Le citoyen n’a pas les moyens de contredire les multinationales qui dépensent des milliards d’euros pour nous imposer la fausse idée du bonheur par la consommation.

Si notre société est loin de fonctionner de façon réellement démocratique et égalitaire, elle le doit aussi à la publicité qui ne fait que refléter le savoir-faire de l’oligarchie au pouvoir. Rouage du système, elle annihile également l’idée du politique afin de renforcer les dominants.

Enfin, nous ne pouvons pas passer sous silence le fait que la publicité est une machine à empêcher la liberté de la presse et, plus globalement, de l’information. En effet, les grands médias vivent de la publicité et leurs lignes éditoriales bloquent toute critiques de la publicité ou de la logique des annonceurs. Seuls les journalistes qui collaborent à cette logique peuvent s’exprimer largement mais, de fait, ne remettront pas en cause les fondements du capitalisme.

La publicité n’est pas synonyme de liberté d’expression et de droit à la parole. Au contraire, elle renforce un système dominé par l’économie et par son oligarchie. La publicité, malgré ses offres alléchantes, ses promesses de progrès est un outil pour un statu-quo qui ne pousse pas à la réflexion mais à la consommation bien plus utile à la société de Croissance. La publicité est une arme au service de l’oligarchie dominante.

C’est pour ces raisons qu’elle s’impose à nous et qu’elle est partout car, elle diffuse un message et une idéologie. La publicité n’est pas neutre car elle existe pour promouvoir le système capitaliste et un modèle de société fondé sur la consommation. Elle contribue à déconstruire notre réflexion pour mieux nous aliéner. L’omniprésence de la publicité vise à réduire la totalité de l’être humain à la seule dimension de la consommation.

Loin d’être synonyme de liberté, la publicité participe à façonner l’idéologie dominante, à la soutenir afin que chacun prenne part à l’effort de Croissance. Elle est un maillon essentiel de l’activité économique. La publicité suscite le besoin, matraque pour ne pas dire impose un mode de vie. Elle est un rouage essentiel pour créer davantage de besoins, rendre obsolètes les produits, renouveler notre imaginaire afin de nous nourrir de nouveautés et abreuver le système en croissance par la mise en avant de biens et de services marchands8. La publicité nous manipule plus qu’elle n’informe.

La publicité est une sorte d’information sans éthique. En fait, depuis toujours, nous voyons ce vendeur d’élixir qui sait pertinemment que son produit n’est pas efficace mais inutile qui continue d’en vanter les mérites et, dit ce que nous voulons entendre, un peu comme la diseuse de bonne aventure.

La publicité s’inscrit dans un système de croyance, au même titre que la religion. Elle achète ceux qui ont envie ou besoin de croire en ses vertus, mais dans le même temps, elle asservit les plus faibles et ceux qui sont en difficulté.

LA PUBLICITE, LA VOIE DU TOTALITARISME TRANQUILLE

La mainmise de la publicité sur la société est insidieuse puisqu’elle fait de la consommation un fondement de notre société, en nous incitant à penser en terme de consommation. Surtout, en plus de vouloir nous faire dépenser, la publicité vise à nous faire dé-penser en divulguant à feu doux l’idéologie capitaliste, de façon discrète et sournoise à tel point que nous n’avons toujours pas conscience d’être embrigadé. Elle est complice d’une vaste manipulation afin de tout marchandiser et asseoir la société de Croissance, l’alimenter sans cesse en nouveautés, créer de nouveaux besoins et acter l’obsolescence. Elle développe une idéologie et un mode de vie qui n’est pas neutre car directement au service du capitalisme.

Nous allons voir comment la publicité est devenue une machine à fabriquer du bonheur (en actant la nouveauté et l’obsolescence) pour, finalement, devenir une idéologie et promouvoir un certain mode de vie. Plus que dépenser, la publicité vise à nous faire dé-penser.

Dé-penser, dépenser, consommer

La publicité existe pour faire vendre. Rouage du capitalisme par sa fonction, elle permet de créer le besoin et de l’amplifier. De fait, la publicité tend à présenter les produits et services qu’elle fait connaître comme obligatoire pour assouvir nos besoins et, finalement, toucher le bonheur. En fait, la publicité met en scène un bonheur fabriqué, proposé par les médias et dans l’espace public et qui est un but à atteindre pour tout le monde. Plus que de pousser à consommer, la publicité tend à ne nous faire agir que par la consommation et, participe à la marchandisation du monde dans son intégralité.

Toutes publicités confondues, depuis des décennies, dressent à nos yeux, et à ceux des enfants, une représentation idéale du bonheur dans la “société de consommation”.

Ces publicités défendent, d’abord, la notion de plaisir … mais le plaisir éphémère de consommer tout de suite, de consommer égocentriquement. La publicité définit le plaisir, en fonction de ce qu’elle a à vendre et, qui exige une satisfaction immédiate, matérielle et superficielle.

Créer le besoin, rendre indispensable ce besoin via le rêve de la consommation et un mode de vie imposé par les canons publicitaires tendent à imposer la fausse idée que l’unique sens de la vie est la consommation et, pour l’imposer, la publicité utilise les valeurs et émotions de l’être humain : l’intelligence, la santé, la beauté, l’amour, la convivialité, la grandeur, l’engagement politique, voire révolutionnaire. Ses dimensions sont réduites à des produits par la publicité !

Ainsi, nous ne pouvons que nous soumettre à la solution “ produit ”, quel que soit le problème que l’on rencontre existentiellement. A travers leur diversité apparente, toutes les publicités célèbrent le produit héros. La marchandise est le centre et le sens de la vie ; le marché (super ou hyper) est son temple obligé. Le message constamment répété est clair : la consommation résout tous les problèmes. Toutes les dimensions de l’être, corps, cœur, esprit, peuvent se retrouver dans un produit. Les marques nous fournissent identité et personnalité – illustration parfaite de l’aliénation, puisque le sujet, en la portant, se glorifie de sa servitude. Les marchands (et la dynamique capitaliste qu’ils servent) forment une instance assistantialiste permanente, soi-disant au service de la collectivité.

Sous le signe de la pulsion consommatrice, la rhétorique publicitaire associe désir d’achat et pulsion sexuelle, soif d’informations et dévoration d’événements, etc. La “marchandisation” du monde a l’avantage de tout transformer en produit consommable et jetable. Dès lors, la soumission à la consommation permet de participer au vaste mouvement consensuel et euphorique de la modernité. Honte à qui refuserait de suivre notre fantastique époque de progrès, et tenterait de dégriser les drogués de la surconsommation en tirant la sonnette d’alarme écologiste puisqu’il faut tout consommer.

Par ailleurs, avec le matraquage publicitaire, le citoyen est sommé en permanence de mimer pour exister, de mimer ce qu’on lui a déclaré être sa vraie nature, son identité standard, s’il est vraiment normal. Il doit d’ailleurs mimer aussi les marchands et les publicitaires, puisqu’on lui apprend partout que tout se vend/tout s’achète, qu’il doit se vendre lui-même, comme un produit. Chacun doit à la fois se consommer et s’offrir à la consommation des autres, en exhibant les signes (publicitaires) de la normalité dont il est porteur.

Ce mime généralisé, cette normalisation consensuelle se fonde principalement sur la peur de la marginalité. Afin de « normaliser », la publicité cultive chez ses victimes à la fois l’illusion de la différence et la peur de la singularité (baptisée archaïsme). Dans le moindre de ses modes de vie, le citoyen se sent exister sous le regard d’une collectivité déjà normalisée, parfaitement convaincue, voire menaçante. Il n’y a pas besoin de « Big Brother » officiel, puisque tous les consommateurs sont appelés à se faire les « bigs brothers » les uns des autres, s’inspectant mutuellement pour voir s’ils sont bien dans la norme.

Faire consommer pour imposer une idéologie ou consommer pour oublier

La publicité vise à idéaliser un monde organisé autour de la consommation en fabriquant l’homo consumans,entreprise de réduction de chacun à la fonction de consommateur et conformé à la masse qui lui ressemble, pour permettre, dans un second temps, de le discipliner comme membre du troupeau. Ainsi, sous des formes plus douces, plus clandestines, et donc plus insidieuses, ce processus ne présente aucune différence avec les procédés de normalisation qui caractérisaient les totalitarismes du XXe siècle. La pauvreté de ce modèle peut faire rire, mais ne doit pas nous dissimuler sa nocivité : il enferme en effet le consommateur dans une frustration chronique (puisque créée artificiellement pour pousser infiniment à la consommation), dans une course inassouvie à la surconsommation tragique, dans une idée de soi qui est un leurre sur soi-même. Le fossé entre l’opium publicitaire et les réalités de la vie, lequel commence dès l’enfance, entretient dans le grand public une sorte de schizophrénie collective, entre délire et sinistrose.

Nous avons vu que la publicité à pour objectif de conditionner nos vies et de faire d’un citoyen un consommateur. Elle tend même à ostraciser celui qui ne consomme pas ou n’arrive pas à suivre le rythme imposé par l’obsolescence des produits ou la nouveauté ; de la même façon, qu’une dictature impose les vues du régime par un fort matraquage idéologique et essaie d’isoler les opposants en les humiliant et en les stigmatisant.

Déjà, la publicité a inventé sa propre langue, une novlangue inventée par le système capitaliste : cibles, étude de marché, supports, socio-styles, etc.

Ensuite, elle a recours sans cesse aux sophismes de l’image, falsifie le sens des mots, déstructure l’ordre logique. Ce langage, dès le plus jeune âge, façonne ainsi des modes de pensée qui sont à l’opposé de la raison cartésienne. La règle publicitaire, qui oblige à faire du produit un spectacle, conduit ainsi l’enfant à confondre l’image et la chose, le visible et le réel. Règne ensuite la culture de l’amalgame : la publicité pratique cette rhétorique de l’association selon laquelle n’importe quelle valeur peut être associée à n’importe quel produit (la beauté du sport par exemple à la célébration de boissons alcoolisées). La rythmique publicitaire (jingles, chocs et frissons), les montages chaotiques et “déments”, en tentant de happer au lieu de convaincre, en nous saisissant viscéralement pour contourner nos résistances conscientes, font prédominer les conduites-réflexes sur toute démarche réfléchie. En liaison avec la trépidation médiatique et les oripeaux de la société du spectacle, c’est toute une relation au monde fondée sur l’adhésion sensorielle et le refus de penser que tisse la publicité dans la “conscience collective“. Ce mode de pensée instaure le règne de l’impensé.

L’omniprésence quantitative du phénomène publicitaire entraîne en effet un changement qualitatif dans sa façon d’imposer ses modèles : sa norme paraît “ normale ”. Pour mieux faire passer son message, la publicité a su évoluer en abandonnant le ton impératif pour introduire le mode indicatif. Celui-ci est, finalement, plus contraignant que le mode impératif dans la mesure où l’on ne peut pas se distancier de ses ordres. Qui plus est, cette normalité est commune à tous : la collectivité semble s’y être déjà pliée. Les modèles de consommation deviennent alors d’autant plus coercitifs qu’ils sont supposés massivement répandus.

La publicité ne dit plus d’un ton menaçant : “ Faites ainsi ”, mais tranquillement : “ Tout le monde fait comme cela ”. L’injonction publicitaire n’est plus : “ Voilà ce que tu dois être ”, mais elle devient : “ Voilà ce que tu es. ” Le mode indicatif se révèle dès lors beaucoup plus insidieux et oppressif, que le mode impératif. Il suffit que les mêmes consommations, les mêmes modèles d’existence, les mêmes “ nouvelles mœurs ” se répandent dans le très partiel cadre médiatico-publicitaire pour que la foule, aussitôt, les reçoive comme majoritaires, et donc devant être suivis. L’idéologie prend l’allure d’un nécessaire consensus démocratique. La banalisation devient véritablement la forme moderne de la normativité. Et les publicitaires, feignant d’observer comme normaux ces modèles qu’ils ont répandus, viennent nous raconter qu’ils ne font que refléter la société ! Pour peu que nous trouvions quelques différences entre les représentations qu’ils nous donnent de nous-mêmes et ce que nous nous sentons appelés à être, ils prétendent alors qu’ils anticipent sur notre devenir. Il faudra donc nous conformer au miroir qu’ils nous donnent de notre modernité… Et nous ne sommes pas les seuls à devoir suivre la voie de cette uniformisation : les peuples du tiers-monde ne sauraient y échapper. Ce qui est appelé mondialisation n’est que l’extension à toute la planète de l’idéologie de la consommation, dévorant tous ceux qu’elle touche. Ainsi, nous voyons bien là le caractère impérialiste de notre modèle de société qui s’impose progressivement à l’ensemble de la planète.

Les publicitaires déforment les mots. Ils piétinent le langage pour amener les gens à consommer toujours davantage. Ils détournent le sens originel des mots pour manipuler nos cerveaux. Pour déclencher l’envie d’achat chez le consommateur, ils utilisent des stratégies qui passent inaperçues. Ces stratégies sont faites pour nous séduire. La publicité, sous ses aspects festifs et joyeux, sympathiques et drôles, est une dangereuse propagande qui casse, image après image, le sens de la vie. Par exemple, « La vie, la vraie », est-ce que c’est vraiment être à Auchan ? Le chocolat Nutella, est-ce vraiment du « bonheur à tartiner » ?

Les publicitaires utilisent nos symboles pour rendre nos contemporains dépendants de la consommation. Ils manipulent les valeurs qui nous permettent de nous humaniser afin de nous faire acheter. C’est ainsi qu’ils réduisent notre citoyenneté à n’être qu’une citoyenneté d’achat. Nous sommes moins citoyens parce que nous respectons les valeurs de la république que parce que nous faisons des achats considérés comme citoyens. C’est ainsi qu’ils font basculer la société entière dans la consommation qui n’est plus un moyen mais une fin en soi. Une société qui sacralise le profane – la science, la consommation ou l’argent, et qui profane le sacré, c’est-à-dire les valeurs : la Liberté, l’Égalité ou la Fraternité. La publicité nous déshumanise. Elle nous réduit à l’état de consommateurs malades et toujours plus voraces. Rien d’étonnant alors à ce que de plus en plus de nos contemporains ne sachent plus faire la différence entre un Homme et un animal ou entre un adulte et un enfant. Rien d’étonnant encore à ce que de plus en plus d’entre eux pensent qu’il n’existe ni bien ni mal.

La publicité est une machine à casser la personne humaine. Elle ne veut plus d’humains, de citoyens, elle veut des consommateurs. La publicité réduit chacun de nous à un moyen : la consommation. La publicité nous impose la fausse idée que l’unique sens de la vie est la consommation.

Comme nous l’avons vu, le phénomène publicitaire ne consiste pas en une simple somme d’annonces disparates : elle est un système. Et ce système, si on l’observe bien, non seulement tend à occuper la totalité du champ des activités humaines – y compris ses aspects les plus immatériels – dans la seule consommation. À deux niveaux, celui de l’invasion quantitative et celui de la pénétration idéologique, la publicité est bien une entreprise totalitaire.

Dans notre société, tout est annonce, tout est publicité. Tous les modèles d’existence désirables exposés dans les émissions télévisées grand public, les films et autres téléfilms ou encore les journaux s’apparentent au  “bonheur conforme” programmé par les publicités. Cette connivence, qui s’explique par la puissance des annonceurs, rend l’univers publicitaire consubstantiel de notre monde quotidien, comme ces marques qui nous suivent tout au long de notre vie.

La publicité entretient l’irrationalité des foules consommatrices pour nous empêcher de prendre conscience du piège dans lequel la publicité nous a enfermé avec notre assentiment !

La publicité participe activement à la fabrication d’un modèle de société en imaginant un bonheur formaté fondé sur la consommation. La publicité célèbre l’ordre des « décideurs » et le bonheur des consommations inutiles. Au-delà de la manipulation et du mépris, la publicité dévoile une philosophie cynique qui entend transformer le monde en marchandise. La voix de la publicité est insidieuse car invisible et douce, nous sommes éduqués avec ou alors elle nous fait rêver et, elle contribue à imposer un « totalitarisme tranquille » c’est-à-dire un mode de vie imposé où la norme est la règle et ne pas la respecter signifie l’exclusion et où les victimes sont les bourreaux sans que nous puissions nous condamner. Articulation essentielle de la société capitaliste, la publicité fait plus que soutenir, elle guide la société.

La force du phénomène publicitaire et de son imprégnation dans la société se retrouvent dans l’adage : « les élections passent, la publicité demeure » quels que soient les programmes des élus. Si les promesses politiques se succèdent allègrement et sont rapidement oubliées, la propagande commerciale continue de façonner en profondeur l’imaginaire du public, chaque jour et en tout lieu. Cet imaginaire dicte la conduite des conso-citoyens dont l’objectif est le travail car il permet – outre la réalisation sociale – de consommer via le versement d’un salaire. La vie est concentrée sur un bonheur individualisé dont la réalisation nous ancre dans un comportement d’aliénés. Consommer, c’est respecter les codes de conduites posée par la société, qui est aux mains d’une oligarchie proche (quand elle n’est pas partie prenante) de la publicité.

La crise actuelle met en avant cette déréalisation du monde, qui se donne l’alibi de crée un « imaginaire », ignorant délibérément la réalité de la crise. Nous aurions pu penser que le chômage, l’exclusion, la pauvreté freineraient l’exhibition du discours publicitaire et feraient taire les sirènes de la surconsommation. Il n’en est rien. Qu’importe la « fracture » sociale, puisqu’on s’adresse à la majorité nantie ! Qu’importe si des centaines de milliers d’individus sont forcées de contempler chaque jour des modèles d’existence qui leur sont rendues inaccessibles par leur exclusion ! On ne s’émeut pas de cette violence quotidienne. Après tout, pourquoi refuserait-on aux pauvres de rêver à ce que possèdent les riches : n’est-ce pas ce qui se fait dans le tiers-monde ? A l’ordre économique, qui a pour effet d’exclure les pauvres, s’adjoint désormais l’ordre publicitaire, qui a pour fonction de nous les faire oublier.

Une anti-culture

Évidemment, vouloir un monde uniformisé, organisé autour de la consommation, contribue à faire de la publicité, une machine à casser les cultures. La « culture publicité » n’existe pas, la publicité c’est l’anti-culture. Si la culture nous humanise et ré-enchante le monde, la publicité réduit l’homme à un tube digestif dont l’unique fonction est de consommer. Avec la culture, l’homme devient autonome tandis qu’avec la publicité, plus on y est soumis, plus on devient « accro» et conditionné. Loin d’essayer de tendre à la réflexion des individus, la publicité infantilise nos actes et ce dès l’enfance, en fidélisant les enfants. Il est tellement simple d’exploiter commercialement les rêves des jeunes que cela s’apparente à du dressage tant ce qui est inculqué précocement reste comme une valeur intangible pour l’individu ainsi formaté. Les publicitaires ont l’ambition de nous conditionner et d’occuper l’espace psychique. Souvenons-nous de cet ancien patron de TF1 (chaîne de télévision le plus regardée en Europe) qui expliquait que son travail consistait à élaborer des programmes pour préparer les esprits au message publicitaire9.

Comme nous l’avons vu précédemment, la publicité n’est pas un supplément d’âme dont a besoin le système, elle lui est indispensable à la fois pour vendre mais, au delà, pour faire régresser les individus au niveau de leurs fantasmes basiques. La culture est sensée nous préserver de nos fantasmes et autres phobies car elle amène réflexion, réponse collective et humilité ; à l’inverse de la publicité qui cherche à individualiser nos vies, à faire de l’homme un être tout-puissant dont les besoins doivent être assouvis sans réflexion mais sous la pulsion. L’importance des marques est révélatrice de cet état d’esprit. Les marques témoignent d’une recherche d’identification par le marché dont l’attrait dépasse la qualité des produits puisque relié à l’identité d’une marque, totalement façonné par la publicité. Ainsi, on exhibe sa conformité et son identité grâce à la publicité. La publicité est parvenue à s’emparer des identités et à les manipuler. Nous sommes loin d’une culture réfléchie par une population, nous assistons presqu’au viol de notre identité d’autant plus que la visée de la publicité se veut universelle. A écouter la publicité, nous serions identifiés à des moutons de Panurge, à une chose banalisée et inexpressive et, c’est bien grâce à la publicité et au produit vendu que nous deviendrions libres ou irrésistibles. Nous voyons bien que la publicité nous considère peu.

La publicité est donc une monstrueuse opération de formatage qui vise à faire régresser l’individu afin d’en faire un être docile dépourvue de sens critique et facilement manipulable. Au-delà de sa fonction commerciale immédiate, la publicité est donc bien un enjeu véritable car elle participe à faire régresser l’humain, que ce soit dans son action ou sa réflexion. Elle rabaisse les personnes au rang de simples consommateurs qui commencent par consommer des produits puis consomment d’autres humains (management, violence, exploitations diverses …) et finissent par se consommer eux-mêmes (dopages, sectes, opérations de chirurgie esthétique …).

La publicité, loin d’une culture en soi, détruit les cultures existantes pour uniformiser les besoins et les comportements. Elle façonne des identités communes à tous en simulant des différences qui sont davantage des moyens pour nous faire croire que nous avons le choix.

D’ailleurs, la diversité des cultures du monde dérange la publicité puisqu’elle peut être considérée comme un frein à la soif de profits des annonceurs. La publicité veut détruire les cultures en imposant des produits et des modes de vie standardisés sur toute la surface de la Terre. Chacun sur la planète devra consommer de façon identique et beaucoup. La publicité ne supporte pas les peuples qui veulent faire de la diversité de leur culture une richesse. La publicité veut créer un monde non pas universel, mais uniforme, tout en glorifiant, de façon trompeuse, la différence, quand elle ne rêve que d’indifférenciation.

La résistance à la publicité est donc un véritable enjeu citoyen. Il nous faut préserver l’espace public ainsi que les plus jeunes. La lutte anti-publicitaire est un combat essentiellement idéologique même si la publicité se révèle être une source de pollution non négligeable autant liée à ses objectifs (faire vendre, consommer donc utiliser des matières premières …) qu’à ses procédés, d’autant plus inutiles que la publicité l’est en elle-même.

 

 

LA PUBLICITE, UNE IDEOLOGIE POLLUANTE

Loin de se soustraire au système capitaliste, nous avons vu que la publicité en est un rouage essentiel et fidèle puisqu’il permet la création de besoins (souvent inutiles) et leurs satisfactions. L’omniprésence de la publicité nous oppresse, tout comme elle nous conditionne. Elle normalise nos comportements et représentent autant une occupation illicite de notre espace qu’un gaspillage intolérable d’autant plus qu’il n’est souvent ni voulu, ni attendu.

La publicité, par son essence même, contribue au pillage perpétré par le capitalisme du désastre, notamment des ressources naturelles. En outre, en produisant son verbiage malsain, la publicité pollue de multiples façons notamment par une pollution visuelle et énergétique.

Une pollution logique du fait de la visée consumériste

De façon intrinsèque, la publicité participe au pillage planétaire organisée par le capitalisme. En effet, le système publicitaire monopolise toujours plus l’espace public. Il parasite les activités culturelles et pervertit les manifestations sportives. Par ailleurs, la publicité sacrifie la santé et l’écosystème au commerce, occulte les conséquences sanitaires, et se moque du principe de précaution (en vendant tout produit, peu importe le risque). La publicité incite à la surconsommation, au gaspillage, à la pollution et fait souvent l’apologie de comportements irresponsables et individualistes. Elle est source de surendettement, de délinquance et de violence pour les plus démunis et les plus réactifs à son discours intrusifs.

Par ailleurs, la machine publicitaire nécessite la mise en marche d’une vaste opération de ressources humaines gaspillant, et dénigrant, ainsi l’action de centaines de femmes et d’hommes, dont les talents contribuent à maintenir un système qui aliènent toujours plus les consommateurs mais aussi les « créateurs ».

Une pollution visuelle et un gâchis énergétique

La publicité a toujours privilégié le support de l’affichage à tel point que, désormais, les affiches publicitaires sont incrustées dans nos villes, nos campagnes et nos transports. Elles sont omniprésentes, géantes, souvent illuminées et sont donc dévoreuses d’espace public et d’énergie.

Cette débauche graphique gêne la vue, salit notre cadre de vie, réduit notre liberté de penser et limite notre faculté de rêver. La confiscation de l’espace public et son exploitation mercantile sont d’autant plus inadmissibles que la loi qualifie les paysages de « bien commun de la nation » et que les dispositions régissant l’affichage publicitaire sont intégrées au livre V du Code de l’environnement, intitulé « Prévention des pollutions, des risques et des nuisances ». Ainsi, même le législateur considère l’affichage publicitaire comme une pollution ! Par l’affichage, le système publicitaire s’immisce dans notre quotidien de la façon la plus évidente et la plus violente également.

Nous sommes véritablement envahis par la publicité, dans la rue, dans les transports, à la radio, à la télévision ou encore sur internet. Que ce soit pour produire ou pour la diffuser, la publicité représente un gâchis terrible. Il n’y a qu’à regarder le poids effrayant représenté par la publicité dans les boîtes aux lettres des particuliers ou encore le poids des différentes affiches qui jalonnent les lieux publics. Leurs éclairages – quand la publicité n’est pas elle-même électrique – représentent également une consommation d’électricité dont nous devrions faire l’économie (d’autant plus pour sortir du nucléaire !).

Blanchiment écologique

Depuis quelques années, la publicité intègre parfaitement sa nouvelle fonction, celle de présenter produits et services comme « écologiques » alors même que l’intérêt du produit ou du service pour l’environnement est minime, voire inexistant quand ce n’est pas l’inverse (comme avec une automobile par exemple). Cet argument écologique est d’ailleurs très utilisé par les entreprises les plus polluantes, comme l’industrie automobile ou l’industrie nucléaire.

Cette évolution de la publicité est du blanchiment écologique ou de la désinformation verte. En abusant de ce procédé, la publicité apporte le doute et la confusion dans l’esprit du consommateur. Elle contre même les efforts de sensibilisation effectués par les associations et les mouvements politiques pour essayer de faire face à l’impératif de changer nos comportements de consommation.

 

En participant activement à la mise en place d’un modèle de société fondé sur une consommation effrénée et coercitive, la publicité pollue nos territoires, nos esprits et gaspillent nos ressources. Il est donc urgent d’en sortir autant pour sortir de ce capitalisme du désastre que pour envisager d’autres voies alternatives.

Pour sortir de la société de croissance, sortir de la publicité est un préalable obligatoire. Lutter contre la publicité est donc, avant tout, un combat idéologique.

SORTIR DE LA PUBLICITE

Afin de sortir, sans plus attendre d’un système dominé par la publicité, nous proposons différentes mesures qui ne visent pas à interdire la publicité mais à la limiter drastiquement afin de ne plus lui donner un rôle central dans notre société, de laisser le citoyen choisir son mode de vie et d’éviter toutes formes de gaspillages incompatibles avec les limites de la planète et dans l’objectif de donner des limites à nos comportements.

Parce que nous refusons la violence, la manipulation et le matraquage dont usent les procédés publicitaires et qui sous-entendent et imposent un mode de vie et à sa suite le système capitaliste.

Parce que le commerce ne doit pas avoir plus de moyens d’expression que l’art, la culture, les politiques locales, les initiatives sociales ou les associations.

Pare que nous allons devoir amorcer une politique de transition vers des sociétés soutenables, de l’après-pétrole, débarrassée de la Croissance comme objectif et, à terme de la publicité.

Nous proposons afin de :

Protéger l’espace public

L’espace public doit être préservé au maximum de la propagande de la société de Croissance, c’est-à-dire de la publicité.

Nous demandons l’application de la loi et, donc, le démontage de 1/3 des panneaux d’affichages qui sont illégaux. Ensuite, nous proposons de limiter l’affichage en ne dépassant pas 50×70 cm présenté dans un dispositif n’excédant pas deux mètres carrés. Pour mettre fin au gigantisme qui défigure nos paysages.

En outre, les publicités ne devront pas être majoritaires dans un espace donné. Le gain d’espace pourra être dédié à l’affichage associatif, aux informations locales diverses ou à la création artistique.

De la même façon, car nous pensons que les médias publics ne doivent pas véhiculer d’idéologies particulières, nous demandons que la publicité y soit interdite que ce soit pour les médias télévisuels, radiophoniques ou leurs sites internet.

Se protéger

Enfin, nous nous devons de nous protéger des agressions des publicitaires. Limiter la taille n’est pas forcément suffisant. Des comités de contrôle locaux devraient pouvoir interdire toute publicité sur des motifs fondés par exemple, dans le cas des publicités sexistes.

De la même façon, la publicité ne devra plus s’adresser aux enfants qui sont des cibles trop facilement manipulables.

Par ailleurs, le gaspillage des publicités sur papier dans les boîtes aux lettres doit cesser et nous proposons de l’interdire. Nous n’interdisons pas la mise à disposition d’informations mais leur diffusion de masse et sans contrôle d’autant plus qu’elle provoque un gaspillage considérable.

De plus, nous confirmons que le secteur de l’éducation doit être un secteur sans publicité. Ce qui est, malheureusement, de moins en moins le cas.

Enfin, car nous devrons adopter un comportement moins énergivore, nous demandons l’interdiction de toute publicité dont le fonctionnement nécessiterait de l’électricité. En outre, à partir de 21 heures, les enseignes des commerces fermés devront être éteints. Ils représentent également une information dispendieuse en énergie.

Agir, ici et maintenant

De plus en plus de collectifs s’attaquent à la publicité notamment par des actions contre les panneaux publicitaires à l’exemple de ce que font les Déboulonneurs ou en organisant des « messes à la consommation » ou des « journées sans achat ».

D’autres actions sont à inventer. Certaines fédérations de parents d’élèves, afin d’éviter de se retrouver avec des enfants-panneaux-publicitaires, font pression auprès des conseils d’administration ou d’école des établissements scolaires afin de faire adopter une motion invitant à acheter un matériel scolaire le plus neutre possible (tout comme les vêtements d’ailleurs). Des boycotts sont organisés contre des marques, les élus peuvent être interpellés. Aussi, car le premier rempart de la publicité est sans doute l’éducation et l’information : l’éducation parce qu’elle permet de déjouer le message trompeur de la publicité. Évidemment, une telle action dépasse le cadre de la seule publicité mais prouve que le problème est global.

Toute participation est bienvenue, quelle que soit la forme. A chacun son rythme et ses possibilités… .

« La pub ne nous vend pas des produits. Elle nous vend un « rêve » en carton-pâte, elle nous vend un mode de vie, qui fera de nous des gens frustrés de ne pas atteindre ce « rêve ». La pub ne nous vend pas la dernière Peugeot, mais elle nous vend un monde de bagnoles. Sortir de la publicité, c’est sortir de cette idéologie croissanciste afin d’imaginer un autre monde. C’est un préalable obligatoire »10

Pour en savoir plus :

  • Sites internet :

http://www.deboulonneurs.org/

http://www.casseursdepub.org/

http://paysagesdefrance.org/

http://antipub.org/

http://www.bap.propagande.org/

http://www.lameute.fr/index/

http://www.cacheursdepub.be/

http://publisexisme.samizdat.net/

  • Ouvrages :

Amalou Florence, Le livre noir de la pub, quand la communication va trop loin, Stock, 2001

Ariès Paul, Démarque-toi ! : Petit Manuel Antipub, Golias, 2004.

Ariès Paul, No Conso, manifeste pour une grève générale de la consommation, Golias 2006

Ariès Paul, Putain de ta marque, Golias, 2003

Beigbeder Frédéric, 99 francs, Gallimard, 2000

Brune François, De l’Idéologie aujourd’hui, Parangon, 2005

Brune François, Le Bonheur Conforme, Gallimard, 1985

Darsy Sébastien, Le temps de l’antipub, Acte Sud, 2005

Gonzague Arnaud et Japy Bruno, Qui veut la peau de la pub, Mango, 2002.

Groupe Marcuse, De La misère humaine en milieu publicitaire, la Découverte, 2004

Les Désobéissants, Désobéir à la pub, le passager clandestin, 2009

Naomi Klein, No Logo, la tyrannie des marques, Babel, 2002

Pergnier Maurice, La Publicratie, sommes-nous condamnés au mal publicitaire, RAP, 1994

Sapena Nathalie, L’enfant jackpot (protégeons nos enfants contre les abus de la société marchande), Flammarion, 2005

1Bernard Maris dans Anti-Manuel de l’économie (tome 2), 2006
2Notion qui fait de l’homme un être tout orienté vers lui-même et pour qui le monde n’est que l’instrument de la satisfaction de ses seuls intérêts particuliers. Les économistes, depuis Walras, ont démontré qu’il est bon pour tous que les hommes ne regardent que leurs intérêts, à condition que rien ne vienne entraver les calculs intéressés de chacun, ni l’Etat, ni l’éthique. L’homo economicus est au service de l’économie, seule capable de hisser l’homme vers la richesse et le bonheur. Une telle vision ouvre la porte de la démesure. Car si rien ne doit venir entraver, limiter l’accumulation des richesses matérielles (et du pouvoir), elle devient sans fin, ou plutôt, elle provoque sa propre fin.
3La Persuasion clandestine, 1957 : où l’auteur insiste sur les nouvelles méthodes de manipulations mentales notamment avec la télévision.
41984, publié en 1949 : contre les totalitarismes et la pression du pouvoir sur le peuple via la communication.
5Le Meilleur des mondes, 1932 : avec la mise en avant du conditionnement pour alimenter la machine économique.
6Le terme de « mégamachine » a été utilisé par Serge Latouche afin d’expliquer la toute-puissance du capitalisme renforcée par de nombreusesimbrications qui le rendent complexe et difficilement définissable et combattable.
7Hervé Kempf, L’Oligarchie, ça suffit, vive la démocratie, 2011 : l’auteur insiste sur l’erreur de présenter notre société comme une démocratie ; le terme d’oligarchie est plus approprié puisque quelques privilégiés monopolisent le pouvoir.
8Hormis quelques campagnes de santé publique ou d’inscription sur les listes électorales, même les campagnes gouvernementales s’inscrivent dans une logique d’asseoir l’organisation sociale dominante (exemple des retraites en 2010).
9Voir sur le site d’Acrimed la citation de Patrick Le Lay en 2004 : «  » Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective ”business”, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit (…).Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible (…). »
10 Stéphane Madelaine et Christophe Ondet, objecteur de croissance et membres du PPLD
Christophe ONDET
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