A Weimar, le premier camp jeune européen sur le « bien-vivre » et la Décroissance

escargot-bleuEn Thuringe, au cœur de l’ex République démocratique allemande (RDA), des acteurs associatifs de la petite ville de Weimar organisaient et accueillaient cet été le 1er camp jeune européen sur la justice sociale et environnementale. Dans une ville qui évoque pour beaucoup la naissance de la démocratie allemande, proposer de renouveler le vivre ensemble en y intégrant les enjeux écologiques apparaît comme tout un symbole…
Par Margot Besson et Valentine Porche
Avec le soutien du collectif Un Projet de Décroissance et de l’association REDT

« What is the Good Life? » Cette vaste question a attiré une soixantaine de participants, venus de toute l’Europe pour le 1er camp jeune européen sur la justice sociale et environnementale. Les thématiques du bien-être individuel et collectif stimulent l’imagination et ouvrent les possibles ; elles amènent à réfléchir aux impasses du modèle de développement actuel. De sa participation à la 5ème Conférence Internationale sur la Décroissance à Budapest en 2016, le directeur du Centre européen d’éducation populaire et de rencontres pour la Jeunesse de Weimar, Dr. Moritz Kilger (EJBW – http://www.ejbweimar.de/en/) crée l’initiative de rassembler des jeunes âgés de 16 à 28 ans venus de 10 pays européens (Allemagne, Bulgarie, Estonie, France, Grèce, Hongrie, Italie, Pologne, Portugal et Roumanie), le temps d’un camp d’été. Pendant douze jours, ils jonglent entre des jeux collectifs et sportifs, des sessions de réflexions, des ateliers artistiques, des conférences ou encore des visites d’alternatives concrètes.*

  

Beaucoup de jeunes présents investissent ces thématiques pour la première fois. Alors en amont du camp, pour qu’ils puissent se les approprier, les formateurs allemands et syriens ont préparé des méthodes pédagogiques issues de l’éducation populaire. Pendant l’événement, les jeunes venus d’Europe de l’est, de l’ouest et du sud discutent et expérimentent l’écologie politique comme projet d’émancipation collective. Les vécus personnels et les aspirations, fruits des contextes culturels et sociaux de chacun se confrontent, se partagent et s’enrichissent mutuellement.

« De quoi avons-nous besoin ? », « Qui décide de ce que l’on produit et de ce que l’on consomme ? », « Pourquoi tout le monde veut un emploi mais personne ne veut travailler ? », « Qu’est-ce que le progrès ? ». Ces questions, entendues pendant les ateliers, n’ont trouvé aucune réponse officielle. Mais elles ont permis de pointer les rouages et contradictions d’un système néolibéral créateur de besoins artificiels. Les jeunes découvrent d’autres réalités et sont amenés à interroger leurs positions.

Lors d’une discussion sur les logements collectifs, Jana, une Estonienne, raconte par exemple que dans son pays « ils sont donnés par l’Etat, réservés aux pauvres », à mille lieux des projets d’habitat partagé qui fleurissent en Allemagne aujourd’hui. Pour George, un Bulgare, cette diversité culturelle entre les participants constitue la richesse du camp : « en s’écoutant, en prenant en compte les perspectives et les envies de chacun, on a appris à avancer ensemble. »

Dans ce contexte, la Décroissance joue son rôle d’empêcheur de penser en rond et permet de souligner l’interdépendance des enjeux abordés : crises écologiques et sociales, productivisme, surconsommation, mutations de l’emploi et perte d’horizons politiques souhaitables. Mais la nécessaire transition a aussi soulevé de nombreux débats : l’urgence climatique justifie-t-elle une mise en œuvre technocratique ? La Décroissance peut-elle répondre aux autres grands défis contemporains tels que la crise des réfugiés, la sécurisation des sociétés ou la corruption massive des élites ? Peut-on adapter ces concepts, d’un point de vue idéologique mais aussi pratique, aux contextes locaux d’Europe centrale, orientale et du Moyen-Orient ?

Plus que des limites politiques, il s’agit là de nouveaux espaces de réflexion et d’action à investir pour les partisans de la décroissance à travers l’Europe et au-delà. A l’image de ce camp d’été, financé par le programme européen Erasmus+, l’intégration de ces questionnements au sein des institutions européennes constitue une nouvelle opportunité politique. Cette dynamique pourrait amorcer une sortie de l’entre-soi, impliquant de développer une démarche pédagogique active et populaire de transmission d’idées.

Organisateurs et participants de cette première édition ne demandent qu’à renouveler l’expérience, et à l’ouvrir à d’autres acteurs de la société civile européenne. Ces douze jours de partage, de rencontres et de réflexions ont été féconds, et les projets de coopérations futures fleurissent déjà entre les participants.

Aboud, Yazan, Isabel et Anaïs s’accordent pour conclure : « Les droits humains, la démocratie réelle, l’écologie politique, la lutte contre le néolibéralisme relèvent d’un même combat, c’est complémentaire. La transition ne se fera que sous la forme d’une convergence entre toutes nos luttes ! » Apprendre davantage des réalités locales, écouter les problématiques de la jeunesse du continent et rééquilibrer les échanges idéologiques Est-Ouest, Nord-Sud ne pourront qu’être bénéfiques aux mouvements en faveur d’une décroissance souhaitable, responsable et émancipatrice.

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