« Transition et engagements politiques », notre contribution dans le dossier du mois de novembre de Silence!

La transition fait émerger des questions…

Le mouvement des Initiatives de transition se développe en France assez rapidement, depuis 2010, à partir de la traduction du Manuel de transition de Rob Hopkins.  […]

C’est l’occasion pour nous d’aller enquêter auprès de quelques groupes de transition, mais aussi de décroissants ou d’observateurs extérieurs pour savoir où en sont ces mêmes débats sur la scène hexagonale.

Nous vous présentons donc ici des extraits des réponses que nous avons reçues… ainsi que des extraits de la traduction de la réponse que Rob Hopkins a fait en son temps.

Dans un contexte politique où le désenchantement est important, alors que les problèmes écologiques sont criants, il nous semble important d’animer de tels débats en espérant favoriser aussi bien la réflexion que le développement de pratiques sur tous les terrains possibles.

Michel Bernard

Pour plus d’informations ou lire l’édito complet : http://www.revuesilence.net/

Notre contribution se trouve ci-dessous :

1 ) Le livre « Un écologisme apolitique ? Débat autour de la Transition » part d’un constat fait par des militants en Grande-Bretagne d’une certaine déconnection entre le mouvement et les grandes luttes écologiques. Dans votre pratique au sein d’un groupe de transition, (ou en tant qu’observateur), pensez-vous que cette critique soit valable dans le mouvement en France ?

Le mouvement des villes en transition se veut pragmatique. Ce mouvement se fonde sur le constat de deux futurs périls inéluctables, le changement climatique et le pic de pétrole, en se proposant de les anticiper. Par ailleurs, il considère que les partis et mouvements politiques n’ont plus la crédibilité pour s’emparer des enjeux majeurs. L’intention du mouvement des villes en transition est de sortir des idéologies et des clivages politiques stériles afin de s’organiser localement, et ainsi créer une dynamique de résilience des territoires en vue des catastrophes à venir. Cette raison d’être est centrale en France, dans son application concrète. Le mouvement Français ne nous semble donc pas déconnectée, dans son esprit, des grandes luttes écologiques.

De surcroît, la stratégie dite « apolitique » présente l’intérêt d’amener à l’action des populations dépolitisées, voire anti-politiques. A travers sa méthodologie, le mouvement des villes en transition est un outil d’éducation populaire et de repolitisation de la société. En effet, il sensibilise aux enjeux écologiques et favorise des échanges locaux et des dynamiques de participation et d’auto-organisation. Paradoxalement, ce mouvement réinvente la pratique politique. Il rompt avec une certaine illusion du grand soir, en expérimentant collectivement ce que pourrait être de nouveaux modèles de sociétés soutenables et souhaitables. Le rejet du politique n’a de réel finalement que le propos, ce type d’actions étant pour nous, objecteurs de croissance, éminemment politisé.

Cette démarche a toutefois plus de sens dans les sociétés anglo-saxonnes, car la politique y joue un rôle différent que dans les sociétés latines. En France, les partis et mouvements politiques, bien qu’en situation de désaffection, continuent de monopoliser et d’idéologiser les actions collectives et les luttes. Toutefois, les alternatives concrètes, ou initiatives citoyennes, dont fait partie le mouvement de la transition, constituent un formidable levier idéologique. Elles permettent d’amener à la politique de nouvelles personnes, loin des cercles militants classiques. Elle contribuent à une certaine remise en question des pratiques et rapports au pouvoir des entités qui façonnent le paysage politique français.

En cela, en tant qu’objecteurs et objectrices de croissance, nous soutenons les initiatives de transition, en y participant et en invitant à y participer, tout en soulignant leurs limites. 

 2) Le livre pose aussi la question des relations avec les élus et affirme qu’à un certain niveau, la situation ne peut être uniquement collaborative et qu’il doit y avoir affrontement. Rob Hopkins écrit que «  »Le rôle des élus est de soutenir et non de conduire ». Comment concrètement travaillez-vous avec des élus ? Sentant-vous des limites dans ces relations ? Pensez-vous que l’on puisse poursuivre dans une attitude collaborative ou qu’effectivement, il faut parfois/souvent s’affronter avec les actuels élus ? 

Nous nous retrouvons dans les paroles de Rob Hopkins. Le rôle des élus est bien de nous permettre de nous réapproprier le Politique, entendu comme la participation de tou-te-s aux affaires publiques, et non de décider « à la place de ». A cette fin, c’est aux citoyen-ne-s d’expérimenter de nouveau modes de vies, de productions et d’échanges en marge et avec la société. Ces expérimentations se font par le biais de la simplicité volontaire ou des alternatives concrètes dont fait partie le mouvement de la Transition. Dans cette optique, les élus peuvent être un soutien qu’il ne faut pas mépriser. Mais ils peuvent être aussi un frein. C’est en cela que les expériences de transitions ne sont pas suffisantes. Il apparaît alors incontournable de jouer un rôle de contre-pouvoir et d’empêcheur de penser en rond en allant à la rencontre de l’autre, en participant à des élections, voire à des majorités de manière ponctuelle. Que nous le voulions ou non, la notion de transition nous conduit à comprendre et à admettre que nous provenons d’une société de croissance centralisée et bureaucratique, dont les institutions et interdépendances sont à déconstruire. C’est nécessaire pour créer des passerelles entre celles et ceux qui sont à la fois dans le système et à sa marge.

L’enjeu est d’amener les élus, les partis et les mouvements politiques à repenser leur rapport au pouvoir et à renoncer à la logique de récupération. Il s’agit notamment de questionner l’illusion que pour changer la société, cette prise de pouvoir serait un préalable. En invitant les ami-e-s impliqué-e-s dans les alternatives concrètes à se rencontrer, à discuter, à se décomplexer et à jouer un rôle de contre-pouvoir, tel un garde-fou constructif, nous réaffirmons que les uns sont complémentaires et nécessaires aux autres.

3) La France a la particularité d’avoir développé un mouvement sur la « décroissance », avec une présence plus forte dans le domaine du politique, à travers des textes, des livres, des candidats aux élections… mais avec aussi des pratiques dans les groupes locaux très proches de ce que font les groupes de transition. Ressentez-vous ces deux mouvements comme convergents ou pas ?

Des convergences fortes existent entre ces deux mouvements notamment, le rapport au pouvoir, la vie en groupe et les méthodes de communication non-violentes, ainsi que la sensibilité écologique et la notion de relocalisation ouverte.

Les mouvements de la transition constituent des alternatives concrètes riches et efficaces mais insuffisantes. Nous estimons que ces mouvements s’inscrivent dans un projet de Décroissance dans le sens où ce sont des propositions susceptibles d’initier et d’appuyer une transition démocratique et sereine vers ces nouveaux modèles de société à inventer.

La Décroissance offre aux alternatives concrètes, dont celles des mouvements de la Transition, un sens et des perspectives politiques. La Décroissance propose sa pensée globale, ses analyses sur la convergence des crises et leurs interconnexions, et ses réflexions sur ce que pourraient être des projets de Décroissance.

Car le but commun est bien d’envisager et de construire des sociétés socialement justes, désirables et soutenables.

Anne-Isabelle Veillot, Cynthia Toupet, Christophe Ondet, Stéphane Madelaine et Vincent Liegey, Membres du collectif « Un projet de Décroissance » et du Parti Pour La Décroissance

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http://www.projet-decroissance.net
http://www.partipourladecroissance.net

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