Chronique de Reporterre : Ils foncent dans le mur ? Une autre voie est possible !

ReporterreNous publions régulièrement des chroniques sur l’excellent quotidien de l’écologie Reporterre.net

À regarder ce monde qui marche sur la tête, on aurait vite fait de perdre espoir… Mais la société fourmille d’énergie et d’inventivité pour imaginer d’autres possibles, des alternatives concrètes s’inventent chaque jour pour créer une société où le profit et la compétition ne sont pas les seuls horizons. Rassemblons-nous et gardons espoir !


Difficile de garder de l’espoir, lorsque, en vrac, on regarde les indicateurs écologiques (dépassement toujours plus tôt de la consommation des ressources fournies par la planète chaque
année
raréfaction des énergies fossiles, des métaux, dernier rapport du GIEC), les inégalités toujours plus grandes (1 % de la population qui s’approprie 50 % des richesses, la rémunération du capital toujours plus grande, l’imposture de la dette et les plans d’austérités), ou encore la religion de l’économie et le rabâchage toujours plus absurde sur la sacro-sainte croissante comme unique solution (de Hollande à Valls, en passant par le bonimenteur Sarkozy)…

Et on ne parle même pas de la géopolitique avec en outre l’escalade militaire et les guerres impérialistes pour le pétrole qui continuent ; on assiste à la recomposition de deux blocs et donc d’une nouvelle guerre froide, déjà bien chaude, à nos portes, en Ukraine !

Et pourtant…

Deux mondes parallèles, et dans le nôtre, il y a l’espoir

Cet été fut, une nouvelle fois, l’occasion de se projeter dans un monde parallèle, bien réel, tout autre que celui décrit par les médias dominants, qui plus que jamais font le jeu des populismes pour mieux renforcer les partis oligarchiques. Quelques exemples.

En juillet, à Barcelone, soixante-dix étudiants du monde entier se sont retrouvés pour suivre des cours intensifs sur la Décroissance dans le cadre de la Degrowth Summer School. De son côté, l’Alter-tour a traversé la France d’est en ouest avec la découverte de son lot d’alternatives, de débats, notamment autour de notre ouvrage Un Projet de Décroissance et avec un final en apothéose avec une Vélorution dans les rues de la Rochelle et bien-sûr une messe de la très Sainte consommation sur la plage !

L’été s’est ensuite poursuivi pour moi à l’université du revenu de base où l’ambiance, bien que différente de celle de l’Alter-tour, a été très studieuse avec des débats intenses et des questionnements notamment sur le sens de nos vies, comment se réapproprier nos activités, quelle démocratie, mise en place d’une constituante, revenu maximal acceptable ou pas ?

Ensuite, je me suis rendu aux (F)estives (université d’été de la Décroissance) à Cerbère, où les mêmes questions ont été abordées suivant trois thèmes : le rejet, le projet, le trajet. Là aussi quelles dynamiques dans les discussions, les échanges, les réflexions mais aussi dans la pratique avec autogestion et communication non-violente !

Une rencontre historique

Enfin, s’est tenue la rencontre historique de Leipzig, quatrième conférence internationale pour la Décroissance, avec les mêmes questions abordées par plus de 3200 personnes provenant de soixante-quatorze pays, de tous les continents…

Enfin, je rentre tout juste de Bruxelles pour la rencontre European Citizenship Summit organisée entre autres par l’ONG chapeau DEEEP, dans un chapiteau devant l’antre de la croissance technocratique et oligarchique, le Parlement Européen.

Le thème de cette année : l’Union Européenne au-delà de l’obsession de la croissance… Il y a deux-trois ans, un tel thème central aurait vraisemblablement été rejeté… Là aussi, travail en atelier ou les mêmes thématiques et propositions ressortent : démocratie directe, plus grande participation, émancipation, débats sur les communs, l’extension des sphères de la gratuité, etc.


– Leipzig, quatrième conférence internationale pour la Décroissance. –

Vers une nouvelle internationale ?

Une nouvelle internationale est en train de naître, elle n’a pas de nom, ni d’organisation, elle n’est pas totalement décroissante mais elle est latente, en gestation s’appuyant sur l’incroyable vigueur des alternatives et des réflexions existantes !

La transition est en marche dans les têtes et en pratique mais elle n’est pas encore intégrée par tout le monde et partout. Surtout, la même question revient comme un boulet : comment repenser la politique en cohérence avec ces aspirations ?

Les structures politiques traditionnelles n’arrivent plus à mobiliser et à représenter de manière légitimes des populations qui doutent du système. Comment les dépasser pour redonner du sens à l’action politique ?

Tout d’abord, il y a de fortes convergences qui apparaissent tant au niveau programmatique qu’au niveau des propositions : comme une constituante pour une première démocratie, le revenu de base inconditionnel (si possible en y intégrant des gratuités et des monnaies locales), couplé à un revenu maximum acceptable, travailler moins pour vivre mieux, la relocalisation ouverte, une réappropriation politique des outils économiques, avec entre autres la remise à leur place comme levier de la transition des banques centrales, de la création monétaire, des audits citoyens sur les dettes publiques (quelle part serait illégitime ? Quels intérêts servent-elles ?), la fin des GPII, la démocratie directe, etc.

Si des convergences sur le projet sont en cours, malgré des désaccords qu’il faut assumer, cette étape, bien que nécessaire, n’est pas suffisante.

De nouvelles manières de pratiquer la politique

L’enjeu est de repenser le chemin et la méthode, d’inventer et expérimenter de nouvelles manières de pratiquer la politique ensemble : comment construire et vivre un mouvement décentralisé, participatif, capable de respecter, voire de cultiver la diversité des cultures politiques, des approches et stratégies, de dialoguer et de se critiquer avec non-violence et bienveillance.

Comment créer un réseau horizontal de collectifs, mouvements, partis, suffisamment ouvert pour éviter que l’on s’y étouffe par manque de liberté d’expérimenter et suffisamment cohérent, solidaire et visible pour faire pression sur les pouvoir décisionnels et résister face à l’oligarchie ?

De même, comment repenser notre rapport au pouvoir pour éviter les pathétiques et destructeurs combats d’égos et de chapelles ? Comment changer la société sans prendre le pouvoir… ni le donner ?

Cela passe par plus d’ouverture d’esprit, prendre le temps du dialogue, s’écouter, sortir de ses dogmes, ses jargons, mais aussi faire preuve d’humilité et de patience, assumer cette dissonance et le fait que nous faisons face à des challenges gigantesques et que la recette magique n’existe pas !

Alors rendez-vous à Paris le 6 octobre pour initier, ou plutôt continuer à dialoguer et ainsi construire cette nouvelle internationale, en gardant l’espoir !


Vincent Liegey est co-auteur de Un projet de Décroissance, et membre du collectif Parti-e-s Pour La Décroissance.

Photos :
. Slow : Parti pour la Décroissance
. Dessin Travail : Alter Tour
. Foule et fresque au Sommet de la décroissance à Leipzig (crédit Hervé Kempf)

Ce contenu a été publié dans Actualités, Dans la presse et sur la toile. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à Chronique de Reporterre : Ils foncent dans le mur ? Une autre voie est possible !

  1. Ping : Vincent Liegey : « La décroissance s’inscrit dans une tradition politique de gauche » | Le Comptoir

Les commentaires sont fermés.