C’est à cheval entre la France et la Hongrie que Vincent Liegey, chercheur et conférencier sur la décroissance, accompagné de ses amis/coloc/collègue, a monté le projet Cargonomia à Budapest. Un projet de livraison en vélo cargo de légumes frais d’une ferme bio de la région. Cargonomia n’est pas qu’une plateforme logistique mais aussi un centre d’expérimentation et de recherche sur la décroissance.
Article et vidéo publiés par l’équipe des Local Shakers le 10 juillet 2019.
De l’ambassade de France à Cargonomia
Vincent a posé le pied en Hongrie pour la première fois au cours de ses études dans les années 2000. Depuis il navigue entre la France et Budapest mais s’est installé à Budapest en 2011. Militant altermondialiste dans un premier temps, il a découvert le côté environnemental de l’altermondialisme à Budapest, et de fil en aiguille, au biais des rencontres, la notion de décroissance s’est imposée à lui. En effet, le concept de décroissance fait le lien entre les enjeux sociaux et environnementaux tout en questionnant notre modèle de société qui tourne autour du ‘toujours plus’, du productivisme et du consumérisme de masse. Courir après le temps, passer 8 heures par jour devant un ordinateur en attendant la fin de la journée, réaliser des missions de productivité et d’enrichissement qui vont à l’encontre de ses valeurs … Ce n’est pas ce à quoi il aspirait dans la vie.
À Paris, il a découvre les « Vélo-rution » (associations citoyenne de promotion du vélo, atelier participatif de réparation de vélos …). Voyant que les démarches administratives et financières à Paris sont compliquées, il décide de créer un atelier vélo à Budapest : Cyclonomia.
Il intègre alors une colocation pas comme les autres au coeur de Budapest : 350 m² disponibles, de la place pour établir un espace de coworking (architectes, designers, artistes peintres…), un espace de performances musicales et théâtrales, des soirées débats autour des thèmes de sociétés et en particulier sur la décroissance. Il y rencontre pleins d’acteurs avec qui il pourra partager ses idées. Cargonomia était né.
Cargonomia au final, c’est quoi ?
Cargonomia c’est avant tout la fusion de 3 idées :
- L’atelier vélo Cyclonomia qui construit des vélos cargo
- La ferme Zsámboki Biokert à 50 km de Budapest qui fournit des légumes en biodynamie
- La petite entreprise Kantaa, coursier et livreur à vélo.
En résumé, Cargonomia assure la vente directe de produits frais et locaux à des consommateurs dans Budapest, en effectuant des livraisons de paniers de légumes à bord de vélo-cargos.
Cette activité principale permet de répondre à deux enjeux fondamentaux :
Le premier est de soutenir l’agriculture de proximité non seulement avec des paniers de légumes, mais également en développant des projets de recherche d’agroforesterie urbaine autrement dit « replantons des arbres en ville ! ».
Le deuxième est de repenser la logistique et les transports en ville. « Aujourd’hui 50 % des espaces publiques sont occupés par les voitures, alors réapproprions nous ces espaces en virant les voitures et en les remplaçant par des arbres, des aires de jeux pour enfants, des terrasses, des terrains de pétanque… et en utilisant des vélos parce que c’est beau, c’est chouette, ça ne fait pas de bruit et ça ne pollue pas, et ça roule aussi vite que les voitures. Eh oui la vitesse moyenne d’une voiture en ville est de 16 km/h, soit la vitesse d’un vélo ».
En partant de ces deux piliers de départ, Cargonomia s’est étendu à beaucoup d’autres choses et l’enjeu visé maintenant c’est « comment apprendre à ralentir, comment se désintoxiquer de nos pulsions autour du toujours plus et de la performance, et comment apprendre à communiquer avec les autres pour vivre mieux ».
Cargonomia, bien plus qu’une livraison de légumes.
On l’aura donc compris, les ambitions de Cargonomia vont donc plus loin que la simple livraison de légumes à vélo. Au delà de sa plateforme logistique, Cargonomia se veut être un incubateur de projet à vocation durable. L’idée n’est pas de croître mais de se démultiplier à travers le monde afin de créer des « petits Cargonomia » et de recréer de la biodiversité dans les villes.
Les maîtres mots sont convivialité, partage, réciprocité, collaboration, entraide.
Par ailleurs, « Cargonomia est une coopérative sociale et un collectif ouvert. C’est également un centre d’expérimentation de la décroissance en terme de mode de vie, mais également pour réinventer d’autres manières de travailler, d’autres modèles économiques, d’échanger et partager pour être beaucoup plus autonome d’un point de vue technique ». Cet aspect est pour lui fondamental puisque Cargonomia lui sert d’exemple concret durable sur la décroissance lors de ses conférences ou ses projets de recherche ou politique. Cela lui permet de montrer que la théorie de la décroissance n’est pas que théorique mais effectivement mise en pratique avec succès.
Un passé communiste et un avenir toujours plus low-tech
La Hongrie a fait parti de l’ancien bloc soviétique. Les autorités publiques sous le régime socialiste soviétique ont toujours été dissidentes aux initiatives populaires, et les sociétés civiles existantes étaient généralement rassemblées autour de mouvements de contestation politique. Il n’y avait donc traditionnellement pas de liens entre politiques et citoyens. L’équipe de Cargonomia étant composée en parti d’étrangers avec une culture et une approche différente des partenariats possible avec les politiques, les liens avec les pouvoirs publics se sont resserrés et ils travaillent désormais ensemble.
Cargonomia a toujours privilégié et favorisé la récup’ à travers Cyclonomia et la fabrication de vélo-cargo à partir de matériaux recyclé ou de récupération. Mais les idées fusent toujours à travers les cerveaux de Cargonomia, et ils ont également envie maintenant de se tourner vers les énergies renouvelables, ou l’éco-construction, favoriser le low-tech [technologies douces].